top of page

Réunir le sinistre et l’esthétisme


Sans titre

Crédit Photo : Benoit Aquin – Zone d’Exclusion –


Le 6 juillet 2013 laisse une sale cicatrice sur le cœur des Québécois. 47 personnes ont été fauchées dans leur sommeil, dans leur vie par un train incendiaire à la trajectoire folle. Loin des images d’un Lac-Mégantic en proie des flammes, le photographe Benoit Aquin présente, jusqu’au 24 mai au musée des beaux-arts de Montréal, une série de photographies sur les instants qui ont suivi le sinistre.

Des lignes et encore des lignes. Désaxées. Comme les rails d’une voie ferrée qui ne seront jamais plus parallèles. L’Homme aime l’ordre des choses, bien droit, bien tracé, mais ici, comme après l’Apocalypse, les lignes s’enchevêtrent et s’affolent au fil des photographies. Seule la Nature, dans son imperfection, échappe à cet enfer de lignes sans vie, victime impuissante de l’erreur humaine.

Benoit Aquin est l’un des premiers à immortaliser ce qui ne vit plus dans cette municipalité de l’Estrie. Il choisit la voie du silence, photographiant des portraits, des débris, des visages sans émotion. Ni pleurs ni cris ne viennent s’ajouter à la force déjà existante de ses clichés.

Souvent témoin de la folie humaine en allant, entre autres, photographier les effets du réchauffement climatique, il sait saisir, dans l’immobile, la douleur et l’impuissance.

Mais l’espoir se fait sentir dans l’ombre du drame. Instant fugace de l’image projetée d’un arbre sur la façade d’une maison par les premiers rayons de l’aube comme Mégantic renaissant de ses cendres.

Exposées dans une salle désespérément carrée aux angles si droits, comme pour nous empêcher de croire au hasard, à la coïncidence, ces photographies nous plongent inéluctablement au cœur de ce drame. Devoir de mémoire, bien sûr, mais aussi une esthétique brute où le flash de l’appareil fixe l’image au fond de notre rétine. On vient pour ne pas oublier ou pour comprendre et l’on repart avec une question : a-t-on le droit de voir de la beauté dans ces témoignages, d’un drame encore jeune dans nos esprits, figés sur papier glacé?

Benoit Aquin, Mégantic photographié, du 18 février au 24 mai 2015, Carré d’art contemporain , Pavillon Jean-Noël Desmarais.

 

Claire BRIFFAULT

Journalisme

0 commentaire
  • Instagram
  • Facebook
  • TikTok
  • X
  • Vimeo
  • YouTube
  • LinkedIn
bottom of page