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Un coyote à la caméra


Crédit: The Nightcrawler, page Facebook officielle


« If it bleeds, it leads. » - Caméraman, The Nightcrawler

Cette courte phrase est adoptée comme mot d’ordre par bien des médias. Lou Bloom (Jake Gyllenhaal), personnage principal de la nouvelle production cinématographique de Dan Gilroy, The Nightcrawler (VF : Le Rôdeur), a parfaitement assimilé le concept. 10-4 comme dirait Claude Poirier.


Véritable prédateur de nuit, Lou rôde, caméra bon marché en main, à la recherche de tout drame urbain potentiellement sanglant. Ses premières images violentes de réalisme, montrant la victime d’un accident de voiture, séduisent Nina, la directrice des nouvelles d’une station de télévision locale. La quinquagénaire aura à partir de cet instant recours aux services de pigistes du charognard de nouvelles sensationnelles, afin de faire remonter ses cotes d’écoute qui battent de l’aile. Le partenariat est scellé, mais pas seulement avec Nina. Il l’est avec le téléspectateur aussi.


La caméra à l’épaule, qui suit les mouvements nerveux de Lou, lui-même armé d’un caméscope, crée une mise en abyme troublante. Le spectateur assiste à l’admiration dérangeante de Jake Gyllenhaal, visible dans son regard avide de carnage lorsqu’il est témoin de tragédies, tout en étant lui-même soumis et intrigué par ce voyeurisme sadique. Sans s’identifier au personnage antipathique qu’incarne la dernière muse de Denis Villeneuve dans ce long-métrage, l’auditoire est immergé dans ce désir de voir, tout en prenant conscience du caractère malsain de la chose, lorsque Lou range sa caméra. La complicité de l’assistance se trouve aussi dans la présence de Rick, le coéquipier naïf que Lou engage pour lui prêter main-forte. Le spectateur participe et partage, de façon toute aussi innocente que le jeune stagiaire, la fascination pour le malheur des autres.


« My motto is : If you want to win the lottery, you have to earn the money to buy the ticket ». - Louis Bloom, The Nightcrawler

L’appétit de Lou pour immortaliser le vice humain est insatiable. Le coyote a tellement faim qu’il va jusqu’à déplacer le corps d’un accidenté de la route devant les phares de sa voiture pour obtenir un éclairage parfait. La recherche compulsive de Lou pour obtenir une image parfaite le mène à prendre des décisions de plus en plus téméraires. Ces décisions devraient l’amener à faire de la prison, ou à se présenter en cour du moins. Étrangement, il s’en tire bien en tout temps, ne se faisant interroger que deux ou trois fois par les gardiens de la paix qui, malgré leurs forts soupçons, semblent pris au dépourvu par ce sociopathe hors pair. Cette incongruité dans le réalisme des conséquences des actes commis par l’antihéros, montre une certaine faiblesse dans la cohérence du scénario.


Malgré cette légère lacune, The Nightcrawler représente avec une justesse horrifiante la qualité médiocre de l’information que certaines chaînes télévisées de nouvelles, américaines dans ce cas-ci, offrent à leurs citoyens. Le tout est raconté par un personnage ultra-individualiste, à la poursuite du rêve américain, comme le montre son ambition d’ascension professionnelle qui se fait à n’importe quel prix. Impossible de lui en vouloir toutefois. Il n’est que le produit des médias qu’il admire tant.


Note: 4/5


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