Les blues du bleuet, fruit qui rassemble les histoires
- Laura Mailloux

- 19h
- 3 min de lecture
À travers son long-métrage, présenté en cérémonie de clôture des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), Andrés Livov, révèle la réalité autour du bleuet. Ce fruit emblématique du Saguenay-Lac-Saint-Jean est mis en lumière à travers différents récits issus de la population du Piekuakami.

Originaire de l'Argentine, Andrés Livov a dévoué « quatre ans de rencontres, de nouvelles amitiés, de découvertes de talents, de collaborations précieuses » à la réalisation de ce documentaire, gagnant du Prix du jury des détenues au RIDM. Il souhaite rappeler que le bleuet rapproche tous les êtres, quelle que soit leur histoire.
« Pourquoi personne ne nous a dit que mourir c’est être réincarné dans ceux que nous aimons, alors qu’ils sont encore vivants? La forêt quand elle brûle est-elle consciente qu’à sa place poussera le bleuet? », questionne le réalisateur avant le début de la projection. Après des deuils marquants et un temps de désillusion loin des siens, Livov retrouve sa voix grâce au film, qu’il dédie à son père, décédé en 2021.
Un fruit rassembleur
Les images montrent les relations et la chaleur des citoyens du Lac-Saint-Jean. Entre récoltes mère-fille ou avec un employé octogénaire d’une entreprise de culture, l’authenticité des échanges transparaît, appuyée par l’accent et les expressions qui attendrissent l’auditoire. Depuis des décennies, plusieurs semaines de l’été sont consacrées à ce petit fruit.
Les Innu·es de Mashteuiatsh récoltent le bleuet depuis encore plus longtemps. « Quand je le mange, je mange le Soleil, la pluie, le vent », exprime un membre de cette nation. Le fruit représentait bien plus qu’un aliment à l’époque des pensionnats, il était une forme d’espoir et d’échappatoire. « J’en mange la moitié, je guéris mon âme […] je remercie le bleuet d’être là », confie un autre membre de la communauté.

Cette culture occupe également une grande part dans l’économie régionale. Plusieurs travailleurs et travailleuses de partout viennent au Lac-Saint-Jean pour participer à la récolte et soutenir financièrement leur famille. Le documentaire introduit le public dans des histoires touchantes, telle qu’un père ayant perdu son fils, la déception d’un travailleur de ne pas voir grandir ses enfants ou des contrats qui se prolongent. « Un an [de travail] devient 10 ans, c’est devenu une habitude », exprime l’un des employé·es.
Malgré ses qualités, certaines scènes brisent le rythme comme les échanges entre deux pilotes d’avion ou les interventions répétées de Madame Patate (Carmen Lessard), hôtesse déguisée en patate frite parcourant Albanel, une municipalité de la région. Ces segments s’éloignent du thème central, les bleuets.
La musique dramatique utilisée dans les scènes de feu s’approche du sensationnalisme, notamment lors d’un brûlage contrôlé, accompagné d’une trame laissant croire à une situation alarmante.
Un voyage visuel à travers le temps
« À Louis Turcotte et ses images d’une beauté vive, [...] à René Roberge au montage, qui a su traduire toute ma folie et celle de ces images et [leur] donner une forme », remercie Livov. Le film s’appuie sur des images témoignant de la splendeur des bleuetières, du bleu éclatant durant l’été jusqu’au rouge ardent de l’arrière-saison.
Elles dévoilent également le parcours des bleuets dans les usines. Après avoir quitté les plants, le tri et le nettoyage les attendent. La folie de ces petites sphères bleues qui dansent sur les convoyeurs exhibe l’ampleur de l’industrie.
Des archives de camps forestiers, de familles et de communautés autochtones ponctuent le récit et font voyager le public. Les images de feux de forêt rappellent la catastrophe du Saguenay-Lac-Saint-Jean, il y a plus d’un siècle et demi, qui a donné naissance à ce fruit mythique.
« Aux gens du Lac-Saint-Jean et de la communauté de Mashteuiatsh qui m’ont accueilli les bras ouverts, comme si j’avais toujours fait partie du paysage, même avec mon nom et mon petit accent pas d’ici », a remercié le réalisateur. Ce documentaire explore la beauté de la région par l’entremise de son fruit emblématique et des « bleuets » qui y résident, laissant l'auditeur séduit et suscitant l’envie de visiter ce coin de pays.











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