Contre champ, l’UQAM à contre-courant
- Allyson Caron-Pelletier
- 1 avr.
- 4 min de lecture
Organiser un vernissage d’art visuel avec 22 exposants en moins de 3 mois ? C’est le défi que les étudiant·es en histoire de l’art de l’UQAM ont réalisé haut la main avec le souhait de faire briller leurs pratiques artistiques et leur expertise en muséologie. Retour sur l’exposition Contre champ du 21 mars dernier.

4234 boulevard St-Laurent, 17h. L’ambiance familiale et fébrile est palpable dès le franchissement de la porte. La première DJ de la soirée fait déjà tourner les platines allant de l’électro ambiant au hard-bop jazz.
Charlotte Lauzon-Simon, présidente de l’Association étudiante modulaire d’histoire de l’art et coordonnatrice générale de l'événement, exprime d’abord une volonté de participer à la démocratisation de l'art en présentant des artistes qui partagent leurs œuvres pour la première fois.
Cette préoccupation a également influencé la sélection du lieu, confie l’étudiante en entrevue avec Le Culte. « C'est une salle énorme vraiment trash, mais on aimait ça parce que c’est full accessible, moins élitiste. C'est un endroit pour tout le monde. On trouvait [aussi] cool qu’avec une longue salle, les œuvres soient face à face, à contre champ. »

« Le thème de l’expo, c’est nous. »
Charlotte Lauzon-Simon insiste : c’est le projet « d’une gang de jeunes » en histoire de l'art de A à Z. Leur but ? Prouver le savoir-faire des étudiant.es au baccalauréat et à la maîtrise autant dans la création artistique que dans le commissariat et la création d’évènements.
« On apporte quelque chose de différent, parce qu'on a une connaissance incroyable sur l'histoire de l'art, mais niveau technique, on est plus dans l'intuition. On crée à partir de nos [acquis théoriques] et non nos acquis en art visuel », explique-t-elle.

« Le thème de l’expo, c’est nous. Ça met en lumière tout ce qu'on ressent face à se sentir exclu. On est un peu les moutons noirs de la Faculté des arts, [car] tout le monde suit des cours [en histoire de l’art], mais nous, on ne peut aller nulle part », confie l’étudiante qui aimerait que la formation en arts à l’UQAM inclut davantage de cours pratiques. Un combat que Charlotte souhaite mener avec le comité de son programme pour briser les chaînes administratives et permettre aux futurs étudiant·es de développer leur pratique artistique.

Samisanthe, voir les sons en couleur
Originaire de l’Abitibi, Samisanthe présente Sifflement sur peau endormie, une illustration photographique envoûtante réalisée en 2023.
Appareil photo numérique à la main, l’artiste raconte qu’il erre souvent dans les rangs et les forêts de sa région natale à la recherche de textures intrigantes. « Je prends le médium et après je le détruis comme je veux », lance celui qui a une formation collégiale en photographie.
Dans sa démarche, Samisanthe expérimente différentes techniques, comme des jeux d’optique, la superposition d’images et l’application de peinture sur des imprimés pour représenter sa synesthésie.
« Je vois les sons en couleur. Je souhaite illustrer ce qui se passe dans mon cerveau [et] créer des lieux sécuritaires pour les gens. L’atmosphère m’importe beaucoup », dit-il en expliquant sa synesthésie.

Zélie Bissonnet et l’état du monde
En première année au Baccalauréat en histoire de l’art à l’UQAM, Zélie Bissonnet présente Désespoir. Une gravure sur plaque d’aluminium confectionnée en 2023 qui se réincarne, deux ans plus tard, à travers cinq autres médiums.
Laine tricotée, encre de Chine, fusain et broderie sur toile, collage de retailles et de revues d’art : les six jolies pièces qui forment Désespoir soulèvent un désir particulier de l’artiste.
« Ce n’est pas moi spécifiquement dans l’image, mais je voulais exprimer mon sentiment d’impuissance tant face à ma vie personnelle que l’état du monde », dit-elle.

Michèle St-Amand, ode à Simone
Présentement à la Maîtrise en recherche-intervention en histoire de l’art, Michèle St-Amand a conservé les griffes de sa chienne Simone pendant 12 ans avec l’idée d’en faire une création. L’artiste s’est finalement lancée dans le projet à l’occasion de l’exposition.
Relique s’articule autour d’une réflexion sur les notions de digestion dans le deuil, de cohabitation avec l’être disparu et de la préservation de sa présence.
« Je trouvais les griffes esthétiquement intéressantes. Les formes et les couleurs, ça m’évoquait toutes sortes de matières organiques, et c’est ça le fil conducteur. Je ne voulais pas que ce soit évident et j’aime que les gens y voient des choses différentes comme des champignons ou des fleurs. »

44 pages pour 22 artistes : voilà l’ambition finale de cette exposition, un catalogue. « C’est important pour nous d'avoir une mémoire papier, une preuve tangible que l'expo a eu lieu », insiste Charlotte Lauzon-Simon.
Pour l’étudiante, ce qui ressort de ce projet est « l’amitié, la bienveillance, et le sentiment d’appartenance à un groupe » qui habitent maintenant les universitaires en histoire de l’art. « Je suis fière que ça nous ait autant rassemblés. On va rentrer avec une grosse gang d’ami·es en septembre. »
L'ensemble des photographies de cet article sont le fruit du travail d'Allyson Caron-Pelletier.
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