Le théâtre Duceppe présente Chimerica, une pièce écrite par la Britannique Lucy Kirkwood, traduite par Maryse Warda et mise en scène par Charles Dauphinais. Le cliché mythique de cet homme chinois dressé devant les tanks à Tiananmen inspire un récit où la géopolitique s’invite au théâtre dans un mélange de français et de mandarin.
La photo iconique prise sur la place Tiananmen le 5 juin 1989 est au cœur de cette pièce fictive qui suit Joe Schofield, un photojournaliste américain qui a capturé l’image du Tank Man. Des années plus tard, il se lance dans la quête aveugle de retrouver ce héros après avoir appris qu’il serait encore vivant et résiderait aux États-Unis. Au-delà de cette quête, l'œuvre illustre une perception occidentale d’un cliché glorifié, mais issu d’un massacre bouleversant pour le peuple chinois et dont les traces ont été complètement effacées en Chine.
La fusion des mots Chine et America pour titre met en lumière le propos de la pièce qui explore la relation et les rapports de force entre les États-Unis et la Chine. Le lieu des scènes bascule entre Beijing et New York tout au long de la représentation, certaines scènes se déroulant entièrement en mandarin avec sous-titres.
Plusieurs comédiens sont d'origine chinoise et maîtrisent le mandarin, ce qui donne de l’authenticité à l'œuvre. La performance de Derek Kwan dans le rôle de Zhang Lin, un ami chinois de Joe, mérite d’être soulignée. Son jeu est soigné et il arrive magnifiquement à faire ressortir toute la sensibilité de son personnage. Dans le rôle de Joe Schofield, Alexandre Goyette incarne avec crédibilité le caractère égocentrique américain et rend son personnage détestable avec succès.
Les décors créent des lieux très immersifs. Un conteneur qui pivote sur scène laisse place à différents espaces. Les comédiens jouent soit devant, dans ou même sur le conteneur, ce qui dynamise l'œuvre. L’éclairage et la projection d’images complètent bien les scènes, alternant Chine et Amérique, comme lorsqu'un portrait de Mao change de sa forme classique à une forme pop art.
L'œuvre est remplie de touches d’humour bien réussies dans les relations entre les personnages, leurs malaises ou leurs répliques ironiques. L'auditoire a l’occasion de rire à plusieurs reprises dans la pièce de presque trois heures incluant l'entracte. La recherche obsessive de Joe pour retrouver le Tank Man devient redondante par moments, mais la longueur du récit rehausse l’aspect excessif de sa mission.
Chimerica demeure une pièce touchante qui met en perspective ce qu'il faut retenir des massacres de Tiananmen. C'est une œuvre qui permet de faire rayonner la diversité culturelle dans le théâtre québécois. La pièce sera présentée au théâtre Duceppe jusqu'au 17 février.
Crédits photos : Danny Taillon
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