Barbaracadabra : optique d’un désaccord filmé
- Laura Mailloux

- 28 oct.
- 3 min de lecture
Barbaracadabra a illuminé le Festival du nouveau cinéma (FNC) au cœur du Quartier latin le 17 octobre dernier. L’héroïne du Chat dans le sac fait son retour dans le cinéma direct québécois pour y partager son reflet dans le miroir, à travers une amitié intergénérationnelle avec Renaud Lessard.

« On livre ce que moi j’appelle un objet filmé, et c’est à vous de décider si c’est un film ou une conversation sans cesse entre nous deux, le jeune et la vieille », a présenté Barbara Ulrich avant le début du film.
Scène 1, prise 1 : Questionnement
Après avoir passé la majorité de sa carrière devant la caméra, la femme aux lunettes rondes nourrissait l’aspiration de réaliser. Cependant, cette envie n’était pas sans crainte. À la suite de l’avortement d’une web série rédigée plus tôt dans sa carrière, Mûre mais encore verte, Barbara était déchirée entre l’envie de créer un chef-d’œuvre et sa peur de l’échec.
Aux côtés de Renaud Lessard, elle a saisi un moment particulier de l’histoire contemporaine, la COVID-19, pour produire un film. Cloîtrés durant deux mois dans le petit appartement encombré de Barbara, à Montréal, ils ont partagé un quotidien, « pour le meilleur et pour le pire ».
Sous une mise au point parfois maladroite et une surexposition fréquente, des bribes de la vie journalière des colocataires sont présentées en noir et blanc, avec un clin d’œil à l’époque du cinéma direct au Québec. La caméra, portée à l’épaule ou fixée au front, invite le public dans leur processus créatif en brisant le quatrième mur.
L’idée d’être une femme âgée et de déjouer les attentes et les stéréotypes est véhiculée tout au long du film. Barbara est une femme affirmée et directive qui a tracé son chemin dans un Québec des années 1960, mais qui est attachante et désopilante. Elle tient à sa vie privée et ne veut pas s’ouvrir à n’importe qui. « C’est moi qui décide ce que je ne montre pas. Si le public n’aime pas, il changera à Netflix », a affirmé Barbara alors que Renaud voulait filmer sa chambre.
À travers cet objet filmé, fait de séquences qui se rattachent sans ligne directrice apparente, le public apprend à connaitre cette femme excentrique qui n’a pas la langue dans sa poche, et son jeune ami. Le « désaccord », apparait à plusieurs reprises à travers la production, peut-être une façon douce d’expliquer les différences générationnelles. « Avec la distance, on réalise que moi, j’essayais de faire un film de vieux, un film en 4:3, noir et blanc, et Barbara voulait faire ça en vertical, couleur », a attesté Renaud à la suite de la projection.
Une histoire de miroirs
« Notre histoire est une histoire de miroirs », affirme Barbara dans le film. Contraints à un petit espace, les réalisateurs ont fait livrer plusieurs miroirs pour obtenir des plans communs devant la caméra. Cette déclaration signifie bien plus que l’aspect technique. Les plans du film sont une réflexion de leur démarche, et leurs discussions, un miroir de leurs pensées.
C’est également le moment où Barbara dit avoir « pris conscience de sa mortalité » : elle ne s’était jamais perçue à l’âge qu’elle avait, avant de se voir à l’écran. Voir son reflet fut également difficile pour Renaud, davantage conscient de la caméra et moins enclin à s’oublier que son acolyte.
Acclamée par un public qui salue la beauté et la générosité de ce film franc, l’amitié Ulrich-Lessard aura réussi à transmettre une large palette d’émotions à travers les images, les dialogues et la musique de leur œuvre.











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