White Lion, Brown Tiger : « Ils sont venus nous voir se battre »
- Maïté Paradis
- il y a 3 heures
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C’est quelque part entre Colombo et Montréal que Vishesh Abeyratne écrit White Lion, Brown Tiger, la première pièce sri-lankaise canadienne à être produite au Québec. Comique, réfléchie et audacieuse, l'œuvre met en scène trois personnalités fortes qui se disputent dans les bas-fonds d’une friperie montréalaise.

L’histoire suit deux employés sri-lankais : un ayant grandi au Canada et l’autre étant arrivé depuis seulement quelques années. Le duo aborde des sujets sensibles comme le militantisme performatif et la masculinité toxique à travers une joute verbale animée.
L’un reproche à l’autre d’être né au Québec, de ne pas parler sa langue d’origine et de n’avoir jamais mis les pieds au Sri Lanka, tandis que l’autre accuse le premier d’être un « bon » immigrant, soit de se laisser marcher dessus et de jouer selon les règles des blancs.
Une superviseure pénible préside et alimente la chicane. C’est d’ailleurs ce que laisse présager une phrase inscrite sur l’affiche publicitaire de la pièce : « Ils sont venus nous voir se battre ». Montréalaise d’origine, elle est incapable de comprendre les enjeux débattus par les hommes sri-lankais.
Tensions intraculturelles
Des répliques du style « Why are you offended I called you a pig? You’re not even muslim » (Pourquoi es-tu offensé que je t’aie traité de porc? Tu n’es même pas musulman) s’accompagnent à des réflexions sur les expériences complexes des minorités visibles dans la société québécoise.
L’un des aspects les plus cruciaux des échanges met en évidence la pression exercée sur les personnes racisées pour qu’elles s’engagent dans une relation intime avec leur culture d’origine, qu’elles parlent leur langue maternelle et qu’elles se rendent dans leur pays d’origine, à défaut d’être considérées comme ayant été « whitewashed ».
Le militantisme performatif de la gérante est également exposé. Elle exprime ouvertement son appui à la justice et à l’inclusion, référant même à un des employés comme un « recrutement de la diversité », tout en perpétrant des stéréotypes et des comportements discriminatoires à leur égard.
Ceci met en lumière le concept de « token », ou diversité de façade, qui réfère à une inclusion symbolique plutôt qu’authentique. Les employés sri-lankais sont engagés pour donner une apparence inclusive à l’entreprise, sans toutefois que leurs revendications soient écoutées.
Un fil narratif maigre
Le scénario comprend des longueurs inutiles : les personnages ne quittent jamais la pièce, aucun nouveau personnage n’apparaît et le décor ne varie pas, tout comme l’heure de la journée. L'absence de rebondissement dans le fil narratif vide la mise en scène de son dynamisme à quelques reprises.
Par contre, certaines scènes viennent ranimer les spectatrices et spectateurs, surtout celles d’altercations fortes entre les trois personnages. À un certain moment, alors que l’attention du public commence à s’effriter, les deux hommes commencent à se disputer sur la prononciation d’un mot en tamoul. Sans avertissement, gifles, fessées et coups de poing s’ensuivent. Au lieu d’être agressante, cette scène réveille le public de sa torpeur.
La pièce White Lion, Brown Tiger, une création du théâtre Teesri Duniya, est présentée au Studio Rangshala jusqu’au 23 octobre.
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