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Photo du rédacteurAlice Young

Montréal dans l'oeil de Rémi Poitras

Dans une esthétique propre à la photographie argentique, Rémi Poitras capture le tumulte de la métropole pour les archives du futur. Son regard sensible se pose sur les scènes d’humanité lumineuses et parfois excentriques que les Montréalais·es pressé·es ne savent plus regarder.  


une femme tient un grand bouquet de fleurs en manipulant maladroitement son téléphone.

Rémi Poitras, étudiant de 24 ans en cinéma à l’UQAM, a commencé la photographie argentique au début de la vingtaine lorsque le copain de sa grand-mère lui a donné sa première caméra analogue, une Canon AE-1.


« En l’espace de deux mois, je suis tombé en amour avec le processus méditatif de la photo argentique. »

Poitras sait autant magnifier l’exceptionnel que l’anodin. Sur un premier cliché, deux jeunes à la chevelure d’un rouge flamboyant sont figés sous la lumière fragmentée qui transperce le toit du métro. C’est une image intrigante, mais très représentative de l’urbanité éclectique. Sur un autre cliché de Poitras, une femme tient un grand bouquet de fleurs en manipulant maladroitement son téléphone. C’est une scène banale, mais tellement attendrissante et poétique.


deux jeunes à la chevelure d’un rouge flamboyant sont figés sous la lumière fragmentée qui transperce le toit du métro.

« J’aime beaucoup le rendu de la lumière sur la pellicule. Puisque c’est une réaction chimique, c’est proche de notre œil; [la perception de la vue] dans notre cerveau c’est aussi des réactions chimiques. Dans la surexposition de la lumière, il y a un aspect plus naturel. »

Le photographe originaire de Laval admet que ce n’est toutefois pas un outil parfait et que la pellicule en noir et blanc demeure un choix économique. « Si t’as pas la possibilité de t’acheter autant de rouleaux que tu veux, ça va beaucoup te limiter [dans ta créativité] », détaille-t-il. Cette contrainte l’amène parfois à excéder de prudence en recréant les mêmes compositions d’images.


Pour l’amour du chaos


« Je trouve le monde tellement chaotique, surtout en ville. J'essaie de transmettre ça dans mes images, de remplir le cadre au complet et d'avoir plusieurs points d'intérêt. » Montréal, ville de touristes agités et témoin première des luttes sociales, fournit l’agitation rêvée pour ce chasseur du chaos. 


Cette jungle de béton où règne le je-m'en-foutisme (pour le meilleur et pour le pire) permet à Rémi de se glisser sournoisement aux premières loges des émotions les plus brutes. Ses lieux de prédilection pour capturer ce tumulte humain sont le Vieux-Port, la rue Sherbrooke et le campus de McGill. 



Une photographie tangible et plus… durable?


Rémi Poitras conserve avec soin tous ses négatifs dans un cartable. Il développe lui-même ses photos dans le garage de ses parents. « J'ai checké sur YouTube pis c'est vraiment pas compliqué, y'a genre trois sortes de chimie différentes. » Ce procédé artistique est désuet pour les générations antérieures qui ont vécu la transformation technologique, mais pour Poitras, c’est d’une valeur inestimable. « Je le fais plus pour l'archivage que pour maintenant. Je pense que, dans 50 ans, quand on va vouloir savoir comment c'était à Montréal en 2024, mes photos en seront un document. »


« Les photos d’aujourd’hui, c'est de la poussière numérique. Si j'ai une carte SD qui ne fonctionne plus dans dix ans, il faut que je la mette sur une autre carte SD et ça ne finit jamais. Ma pellicule, ça va durer des années, des siècles. On a des films des années 30, des années 20, qu'on est capable de scanner avec des capteurs de 6K pour un rendu de qualité », dit-il.

Les archives de Rémi Poitras

L’utopie des photos candides en 2024


« C’est tellement difficile aujourd'hui de photographier des moments candides. Surtout à cause des téléphones, les gens sont tout le temps là-dessus. J'ai vraiment pris conscience de ça à travers mes photos. » À une époque où tout le monde connaît son meilleur angle de selfie, il est difficile d’obtenir une réaction naturelle et authentique dès qu’une caméra entre dans le champ de vision des sujets. 


Pour obtenir la photo mémorable, Rémi confie qu’il y a aussi une part de chance et de patience.

« Parfois ça fait quatre heures que je shoot avant de prendre LA bonne photo. »


Un autre bâton dans les roues de la photographie de rue moderne, est la légifération étroite du droit à l’image et à la vie privée. Le ou la photographe doit solidement justifier « l’intérêt public » de sa création ou se limiter aux « endroits publics ». Rémi Poitras navigue honnêtement à travers ce code éthique, mais préfère travailler en toute discrétion. « J'essaie de ne pas entrer dans la bulle de quelqu'un sans qu'elle ne soit prête à ça. Puis j'ai jamais vraiment eu d'altercation. Ça m'arrive parfois de demander à la personne, mais la plupart du temps, je ne demande pas, parce que ça va changer le moment. On dirait qu’après avoir demandé la permission, les gens ont tendance à dire non, pas par mauvaise intention, juste par peur. »


L’intimité publique des bancs de parc


Rémi Poitras épie inconsciemment les bancs des parcs de Montréal. Ce sont des lieux insoupçonnés d’intimité, qui invitent au repos, aux confidences et aux tendresses amoureuses.


« Les gens assis sur les bancs de parc sont dans leur bulle. Même s’ils sont en public, ils se pensent chez eux. J’essaie de les prendre dans des positions intimes et étranges. »

Pour les Montréalais et Montréalaises entassé·es dans des appartements étroits, les parcs publics sont une extension du salon familial. Ces photos témoignent des 1000 épisodes de vie, petits ou grands, qui se déroulent sous les yeux des passants sans qu’on y prête attention.


Mention photos: Rémi Poitras

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