La Bataille de Saint-Léonard : un éveil des consciences
- Samuel Lacasse
- 19 oct. 2024
- 3 min de lecture
Le 11 octobre dernier sortait en salle un chapitre méconnu de notre histoire mis en lumière par Félix Rose dans La Bataille de Saint-Léonard. Les archives des années 60 du conflit linguistique à l’origine de la loi 101 nous prouvent que la Révolution tranquille était tout sauf tranquille.

Mention photo: affiche officielle du film, Maison 4:3
Le réalisateur de Les Roses a passé les sept dernières années à dépoussiérer des archives dans le but d’offrir un argumentaire équivalent aux deux partis qui s’opposent. Il souhaite rectifier une injustice en illustrant cette importante lutte dont les protagonistes sont très peu reconnus, voire effacés de la mémoire collective québécoise.
Un chemin tracé pour militer
C’est dans un Saint-Léonard d’après-guerre peuplé de champs agricoles que débute le récit. Les nouveaux arrivants sont amenés à parler en anglais à une époque où cette langue primait dans le milieu économique et institutionnel. Ces expatriés représentent près de 50% du nord-est de Montréal, une décennie plus tard.
On découvre Mario Barone, un immigrant italien. D’abord ouvrier, il devient entrepreneur en construction et trilingue. Celui qui a pratiquement construit Saint-Léonard en quelques années, y devient ensuite conseiller municipal. Il milite pour l’accès à l’enseignement anglophone, son apprentissage des deux langues étant l’une de ses plus grandes fiertés en tant que Québécois.
Raymond Lemieux, lui, est un architecte d’origine américaine bilingue qui immigre au Québec avec son père francophone. C’est dans sa profession qu’il constate que les langues d’usage sont exclusivement l’anglais ou l’italien. C’est pour changer ce déséquilibre linguistique qu’il deviendra un imposant défenseur de la langue et de la culture québécoises.
S’émouvoir de l’histoire
Les protagonistes sont présentés de manière juste sans mettre de côté leurs faiblesses ou leurs défaites pour éviter de les placer sur un piédestal. Félix Rose ne veut pas maquiller l’histoire et gâcher ainsi le travail des militants et militantes. Ils ont joué un rôle important au péril de leur santé mentale, physique et de celle de leurs proches. Les acteurs principaux de ce conflit étaient aveuglés par leur détermination et n’avaient peut-être pas suffisamment anticipé les répercussions de leurs actes sur leur famille.
L’artiste de trente-sept ans déploie un large éventail de vidéos, d’extraits sonores, d’entrevues d’archives restaurées. Cela donne l’impression d’avoir simplement trouvé, quelque part derrière une vieille armoire de l’ONF, une pièce déterminante du passé de la nation.
Saint-Léonard se montre divisé à travers les militant·es, les passant·es qui se positionnent sur la langue qu’ils et elles jugent essentielle d’enseigner. Cela permet de mieux comprendre un conflit qui ne se résument pas qu’aux émeutes ou aux bagarres. Le peuple réussit à attirer les regards des élites et des politiciens sur la question de la conservation de la langue française.
La venue du Général Charles de Gaulle au Québec est un moment mythique revisité sous tous les angles de vue dans la frénésie de la foule rassemblée devant l’hôtel de ville de Montréal. Un frisson parcourt le public au moment où l’ancien président de la France prononce la fameuse phrase qui a tout changé : « Vive le Québec libre », offrant ainsi une crédibilité au mouvement indépendantiste.
L’auditoire se retrouve chaviré par ce dialogue qu’entretient Félix Rose avec les membres des familles de M. Barone et Lemieux. Il est impossible d’être indifférent devant Mauro Barone, fils de Mario, qui témoigne avec les larmes aux yeux, de la honte qu’éprouvait son père en rentrant de son travail au dépotoir. On peut ressentir le déchirement des proches entre l’admiration et le vide laissé par leur père.
Rose crée un choc en révélant que Raymond Lemieux s’est éteint en 2018 dans un silence médiatique total bien qu’il ait donné sa vie à la culture de son peuple.
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