Je te dégoûte comme un souvenir d’enfance, un doux conflit
- Allyson Caron-Pelletier
- 1 mai
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 mai
Décrété par l'Académie des poètes américains en 1996, le mois d’avril est également le mois national de la poésie au Canada. Le Culte célèbre ce genre littéraire avec le premier recueil de Laurianne Beaudoin, Je te dégoûte comme un souvenir d’enfance, sorti le 26 mars dernier. Un livre audacieux où chaque mot est choisi avec soin.

« Dégoûts, corps, violence, douceur et gluant ». Voici les cinq mots qui viennent à l’esprit de Laurianne Beaudoin pour caractériser son œuvre, en entrevue avec Le Culte. Des paroles qui dépeignent bien les dichotomies de l’expérience humaine qui s'infiltrent tantôt avec tendresse, tantôt avec aplomb dans ses textes.
« J’avais envie d'écrire sur une espèce de déréalisation du monde, un peu apocalyptique. Un projet full ambitieux [sur le] capitalisme et l'impact dans la vie des gens. Puis au fil de l'écriture, j'ai commencé à parler, sans m'en rendre compte parfois, d'une relation toxique dans laquelle j'étais. Il y a quelque chose de cathartique à exposer [l’] intime », confie l’auteure.
L'œuvre se veut « un recueil qui pose la question » sur l'origine de la violence sous toutes ses formes pour tenter de mieux la comprendre. « Je repose / écho funéraire / parfum / je baigne mon loup / habiter un corps dédoublé / était ma première / ma deuxième faute. », peut-on lire à la page 46.
En séparant sa poésie en quatre sections, l’artiste dresse une trajectoire. « Trompe-l’œil » crée une « entrée en matière, un contact visuel avec l'autre ». En clôture, « La fin est relative » présente « un parallèle entre la mort d'une relation et la mort réelle ».
« Tous les mots t’appartiennent »
Avec ses courts poèmes, Laurianne Beaudoin s’oblige à « chercher le mot parfait, à peaufiner [sa plume] ». L’effet est réussi : peu de mots garnissent les pages, mais le poids de chaque vers transcende le papier pour toucher droit au cœur. L’émotion ressentie est parfois douce, parfois gluante, mais toujours intense.
« La soif / me rend / bête / chose / maintenant / tous les mots t’appartiennent. », note la poète à la fin du chapitre « Fantômes ». D’ailleurs, chaque mot du recueil appartient à chaque personne qui l’interprète.
Loin du narratif où l’on raconte des « scènes de manière transparente », comme formule l’auteure, le recueil charme plutôt par la sensorialité qu’il insuffle. « Ma vision de la poésie, c'est que le lecteurisme n'a pas besoin de se mettre de la pression à déceler le sens précis de chaque mot, [il doit] se laisser porter par les images, [son] ressenti », explique-t-elle.
Un poème en soi
L’artiste raconte que Je te dégoûte comme un souvenir d’enfance était avant tout un vers d'un des poèmes. C'est son directeur de maîtrise, à l'époque, qui lui a fait remarquer la force du vers en tant que titre du recueil.
Celui-ci représente « le paradoxe entre quelque chose que tu dégoûtes, mais que t'aimes en même temps, comme certains aiment leur enfance d'une manière full conflictuelle », avance-t-elle. Un titre qui s’agence de pair avec le délicat dessin de June Gutman.
En entrevue, l’auteure apporte un point de vue intéressant sur le titrage en création littéraire : « Le titre d’une œuvre peut être un mini-poème en lui-même et n’est pas obligé de représenter tout l'ensemble du recueil de manière parfaite, mais d'ouvrir par quelque chose d'autre », conclut la poète.
Laurianne Beaudoin est étudiante au doctorat à l'Université de Montréal en recherche-création au département de littérature. L’auteure a rédigé Je te dégoûte comme un souvenir d’enfance dans le cadre de son mémoire de maîtrise entre 2022 et 2023.
Comments