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Briser les codes (et les planches, pour le coup)

Si vous pensiez retrouver un ouvrage classique de la bande dessinée, tel qu’un tome des Schtroumpfs ou un comic book des aventures de Batman, passez votre chemin. La bédéiste québécoise Julie Doucet s’est livrée à un tout autre défi durant la création de sa dernière œuvre, Suicide total, une bande dessinée déjantée et audacieuse ne contenant qu’une seule grande case.

Pages 32 et 33

« Je m’étais juré de ne plus jamais me dessiner » : dès l’amorce de l’œuvre, la bédéiste montréalaise confie qu’elle revient sur sa fameuse promesse.


Figure marquante du milieu de la BD durant les années 80 et 90, notamment grâce au succès de son fanzine Dirty Plotte, Julie Doucet s’est retirée de cet univers il y a de cela 20 ans, pour se concentrer depuis sur d’autres formes d’art.


Connue entre autres pour un style artistique punk, excentrique, ainsi qu’un humour grinçant et autodérisoire, la diplômée en arts d’impression de l’Université du Québec à Montréal est appréciée comme l’une des pionnières de la bande dessinée féministe et alternative québécoise.

Julie Doucet

Une foule de concepts

Tout comme le pianiste Erik Satie abandonnait régulièrement les barres de mesure en composant, Julie Doucet a fait paraître en début d’année une bande dessinée sans cases, ni planches.

Suicide total est alors un leporello (un livre qui s’ouvre comme un accordéon) exclusivement en noir et blanc, se lisant d’une seule traite, et pouvant être déplié sur près de 20 mètres.


À travers une foule chargée de visages, d’animaux et d’objets, Julie Doucet s’offre un saut dans le passé et dévoile ses craintes (« je n’aurais pas dû relire ces vieux journaux intimes »), son ressenti de l’époque, l’adaptation compliquée à la cinquantaine, ainsi que des anecdotes parfois croustillantes tirées de sa jeunesse.


Julie Doucet se dessine principalement elle-même au fil du récit, mais intègre aussi des personnages de la culture populaire de tous les horizons, tels que Serge Fiori, Karl Lagerfeld, Ian Curtis de Joy Division ou encore Tintin.


Son style reste pourtant reconnaissable et caractéristique, avec ses grandes têtes et ses dessins issus du mouvement de la « ligne crade ». Sa façon de représenter de façon explicite la sexualité ou encore les menstruations rappellent également ses précédentes œuvres.


Le fil rouge de cette fresque autobiographique demeure sa relation épistolaire avec un militaire français nommé « le Hussard ».


Julie Doucet s’attache peu à peu à lui, bien que les seuls mots qu’ils aient échangés soient par écrit, dans des centaines de lettres. L’autrice plonge alors dans ses souvenirs les plus profonds et intimes et dresse le portrait d’une relation agitée et destructrice de cet été 1989.


Si Suicide total n’est pas l’ouvrage le plus accessible, la continuité logique dans les dessins amène une compréhension plus qu’intéressante de l’évolution artistique de l’artiste, malgré une temporalité souvent complexe, dans le premier tiers de la bande dessinée.


Sa relation avec « le Hussard » est toutefois la séquence la plus rythmée et agréable à découvrir : cette section se rapproche davantage du genre narratif habituel, et déclenche chez le lectorat une certaine curiosité sur la finalité de l’histoire.


Une consécration méritée

Julie Doucet reçoit en 2022 le grand prix de la ville d'Angoulême, récompensant un auteur ou une autrice de bande dessinée pour l’ensemble de son œuvre dans le cadre du Festival international de la bande dessinée d'Angoulême (FIBD). La bédéiste est la première canadienne à se remporter ce prix, et seulement la troisième femme à le recevoir.


Le FIBD est le principal événement mondial en lien avec le neuvième art et attire en moyenne plus de 200 000 visiteurs par année.


Pour célébrer la cinquantième édition du festival, Julie Doucet a réalisé l’une des trois affiches du FIBD 2023, aux côtés du mangaka Hajime Isayama, connu pour L’Attaque des Titans, et de l’auteur de bande dessinée franco-syrien Riad Sattouf.

Affiche de la 50e édition du FIBD

Crédit photos : ©Julie Doucet. Image fournie par les éditions L’Association.


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