L’Espace libre présente le programme double Bobo et Momo de Morena Prats et Cycle de Kimberley de Jong et Jon Lachlan Stewart. Une ode brillante et sensible au théâtre de variété où la multiplicité des médiums et les chorégraphies burlesques triomphent.

Bobo et Momo propose 35 minutes de pure excentricité rafraîchissante où le temps semble en suspens. On se laisse guider et surprendre par l’univers frivole de Momo et de son double-poupée, Bobo. Le personnage de Momo aime sourire, danser sur des mélodies électro-pop, mais surtout prendre soin de Bobo au rythme de leurs mouvements synchronisés.
Cycle, adaptation sur scène de la bande dessinée de Ruth Gwily, retrace avec fougue, mais aussi avec tendresse le cycle de la vie. 62 tableaux dans lesquels les deux interprètes valsent de la naissance vers la mort.
Les deux pièces comportent très peu de dialogues. Outre les décors, les créations sonores, les effets visuels et les jeux de lumière ingénieux, ce sont les corps des artistes qui sont les réels porte-voix de ces récits fragmentés.
Chaque élément est réfléchi pour créer des espaces scéniques uniques et infinis qui transportent les spectateurs et spectatrices d’un univers surréel à un autre. Une unité harmonisée avec beaucoup d’humour et un clin d'œil au théâtre de l'absurde.
Bobo et Momo : Incarner les silences
En plus de maîtriser un monologue sans paroles, l'interprète dissimule son regard derrière des lunettes fumées. En milieu de prestation, elle enroule même complètement son visage d’un drap blanc. Un moment d’osmose s'ensuit entre Momo et son double-poupée.
Le jeu de Morena Prats est saisissant.
Chaque trait de personnalité de Momo se façonne dans les détails de son corps. Sourire en coin à bouche maussade, respiration lente à cœur battant, démarche nonchalante à pas de danse loufoque, gestuelle agitée à mains angoissées : tout est incarné avec aisance et justesse. On développe rapidement une affection particulière pour ce personnage solitaire.
Dans une séquence touchante, Momo présente à Bobo des égoportraits de voyages à l’aide d’un rétroprojecteur tout droit sorti des années 80. L’utilisation du médium photographique ajoute une dimension tangible et mémorielle à cette œuvre qui s’intéresse aux rapports qu'entretient l’humain avec les objets.
Cycle : Toucher droit au cœur
Il est difficile de ne pas se sentir complètement absorbé par la poésie surréaliste de Cycle. Rares sont les œuvres qui réussissent à faire vivre l’histoire de bout en bout non pas avec la tête, mais avec le cœur.
Au-delà du théâtre d’acteur, Cycle offre une exploration riche de diverses pratiques artistiques passant de la danse à l’art visuel sans oublier le théâtre d'ombres et la projection vidéo.
Les multiples tableaux sont découpés de façon itérative par la symbolique fermeture des rideaux. Une projection de motifs colorés accompagnée de notes de piano illustre le passage du temps. Les éléments de décor en deux dimensions tracés à l'encre noire rapportent directement aux racines de l’œuvre, la bande dessinée.
L’entrée sur les planches d’une caméra, dans la seconde moitié de la pièce, ouvre le champ des possibles. Ce qui est filmé est projeté simultanément sur un grand écran. Les artistes manipulent l’appareil au service de l’allégorie en créant, par exemple, des effets de dédoublement. Cette mise en abîme enrichit également la pièce d’une approche documentaire.
L’orchestration pointilleuse des chorégraphies, puis des changements de décors et de costumes souligne l’habileté d'interprétation et de mise en scène des artistes de Jong et Stewart. Une réelle poésie s’articule autour des objets de scène qui se transforment, au fil du récit, tel le cycle de la vie.
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