Monstres, une histoire d’horreur moderne
- Maïté Paradis
- 24 janv.
- 2 min de lecture
Il fait chaud, les lumières s’éteignent, la salle est plongée dans la noirceur. Un cri déchire le silence ; quelqu’un accouche sur scène. Une femme dévoile sa fausse couche ensanglantée à l’auditoire. « Saviez-vous qu’au Québec, 1 enfant sur 10 a déjà été en contact avec la DPJ? »

Mention photo: Maxim Paré-Fortin
La pièce Monstres, une cocréation signée Marie-Ève Bélanger et Marie-Andrée Lemieux, humanise les monstres de nos histoires d’horreur moderne.
Du ludique au cauchemar
Moineau, une enfant négligée, jouée brillamment par Laura Côté-Bilodeau, offre au public un bref coup d'œil dans son quotidien avant que la DPJ ne l’y arrache. Élevée dans un vieux sous-sol glauque, elle veille sur sa précieuse perruche entre les rendez-vous nocturnes de sa mère et l’alcoolisme de son père. S’ensuivent multiples foyers, où elle trouve parfois du réconfort, parfois de la misère. Ils ne parviennent jamais à assouvir son besoin criant d’amour et de stabilité.
L’histoire suit les déplacements de Moineau alors qu’elle est trimballée de décor en famille sans avertissement, illustrant avec humour et finesse les bouleversantes réalités auxquelles elle est exposée. À coup de perruques colorées et de métaphores aiguisées, la mise en scène explore les péripéties ludiques et cauchemardesques d’une préadolescente qui s’est vu servir un mauvais jeu par la vie.

Mention photo: Maxim Paré-Fortin
Aliénée par la société et dépossédée d’outils pour mener une existence normale, elle est dans l’incompréhension de ce qui lui arrive et réagit conséquemment. Elle devient un monstre, incomprise par son entourage : la pièce illustre parfaitement comment une atmosphère familiale douce et chaleureuse effraie les inhabitué·es. Une mention spéciale à Tracy Marcelin et Yann Aspirot, qui se distinguent tout au long de la pièce par la candeur de leur jeu.
L’histoire de Moineau se fait parfois rudement interrompre par une conférencière, interprétée par Caroline Bélanger, qui raconte comment l’intervention de la DPJ a sauvé sa vie. Ces moments provoquent de vives altercations avec des comédiens et comédiennes dans le public, si convaincantes qu’elles plongent l'auditoire dans un état de malaise et d’appréhension.
Des bribes de témoignages des membres du Collectif Ex-placé DPJ, ponctuent la pièce de réflexions touchant aux thèmes de l’amour, de l’abandon, de la violence et de la résilience. Le vécu des ex-placés constitue le squelette de la pièce et alimente le réalisme du texte.

Mention photo: Maxim Paré-Fortin
Le Protocole !
Surprenamment comiques, farfelus, les personnages de la DPJ effectuent singeries après acrobaties pour démontrer l’absurdité du système de protection de la jeunesse. Des intervenant·es qui agissent sans réfléchir, en ne jurant que par le fameux « protocole », illustrent une organisation exigeante au sein de laquelle « employé » est synonyme de « petit soldat ». L'œuvre ne fait pas l’apologie du système, mais il ne le condamne pas non plus. La pièce ne fait pas office de juge, elle relate les expériences et les traumatismes vécus par les enfants du système.
Les Créations Unuknu la présente du 21 janvier au 8 février au Théâtre Denise-Pelletier.
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