M.I.L.F. est l’une de ces pièces qui choque, surprend, mais aussi qui libère et qui happe violemment son audience de par sa vérité. On y décortique la figure maternelle, l’analysant et l’exposant dans ses facettes les plus obscures, toujours avec précision, mais sans l’idéaliser. De la sexualité à l’émancipation de la femme dans un contexte de couple ou de famille, M.I.L.F. réussit à ébranler le public, armée de puissants monologues, d’une poésie du quotidien et d’actrices à l’éloquence émouvante.
La poétesse Marjolaine Beauchamp présente et interprète sa création théâtrale à succès, dont la création remonte à 2017. Le tout, une œuvre du Théâtre du Trillium d’Ottawa et mise en scène par Pierre Antoine Lafon Simard, est présenté dans une petite salle au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. Accompagnée sur scène de Geneviève Dufour et de Stéphanie Kym Tougas, les trois actrices livrent un texte poignant sur lequel on souhaite se pencher dès la fin de la pièce. Le script, un recueil puissant de Beauchamp, met en scène des parcelles de vie intimes et d’états d’âme, un entre-deux de douceur et de brutalité.
L’entrée en scène performée par Geneviève Dufour, aussi saisissante soit-elle, semble vouloir secouer; l’amplification des effets sonores, ajoutée à cette première scène qui se veut dérangeante, pousse les spectateurs à être de la partie, qu’ils le veuillent ou non. Or, c’est à l’aide de l’implication de son audience, parfois involontaire, que Beauchamp détruit ces préconceptions universelles de la femme à grands coups d’imprévisibilité et de réalisme crus, laissant planer son public dans ces fragments de vie décousus et pourtant plus que nécessaires.
C’est cette justesse dans l’analyse de la vie des personnages, desquels il est impossible de ne pas s’éprendre rapidement malgré l’absence d’un quelconque embellissement, qui fait de M.I.L.F. une œuvre souveraine. Ces trois figures, différentes dans leur quotidien mais similaires dans leur résilience, révèlent un portrait complexe et concret des injustices de la maternité et de la sexualité. La violence brute de la réalité au féminin est imposée au spectateur, celui-ci se voyant contraint de l’observer dans toute sa cruauté et son honnêteté.
La pièce aurait cependant bénéficié d’une mise en scène plus épurée de sorte à ce que l’accent soit mis davantage sur le jeu des comédiennes; l’utilisation d’éclairages comme unique élément de décor, par exemple, aurait aidé à focaliser l’attention de l’audience droit au but. Malgré cet élément esthétique, l’impact du tout demeure : le jeu des actrices transcende l’ensemble de la pièce. Qu’ils soient livrés avec humour ou émotion, qu’ils soient doux ou crus, les mots de Marjolaine Beauchamps restent. Ils habitent l’audience lors de la représentation, mais surtout après. Un coup de maître de la jeune autrice qui a su partager sa plume à la fois avec aplomb et avec délicatesse.
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