L'artiste transdisciplinaire Nour Symon publie Khawal, le privilège de la beauté aux éditions Le Noroît. Cette œuvre littéraire queer survole les horizons épars de l’univers de l’autaire de manière très personnelle et anecdotique.
L'autaire partage ses tranches de vie dans un désordre temporel. Les anecdotes passent de ses rendez-vous dans son quartier du Plateau aux réunions familiales coptes égyptiennes de son enfance à Ville Saint-Laurent. Iel aborde également les péripéties de son voyage en Égypte.
Ce récit est éclaté en une myriade d'éléments différents. Des lettres, des poèmes, de l’essai, des œuvres d’art, des paroles de chanson et même des recettes de cuisine façonnent l'œuvre de Nour Symon. Il y a un aspect très authentique à sa création presque artisanale qui s’approche du journal intime. Les recettes de cuisine de feuilles de vigne égyptiennes, de gâteaux de type basboussa ou de chakchouka sont d'ailleurs un bel ajout inattendu.
Malgré la diversité des genres littéraires et le condensé de sujets, le livre demeure digeste. Les pages remplies de textes sont toujours espacées par des œuvres visuelles ou des passages plus poétiques. Cela crée un équilibre et permet au récit de respirer.
126 notes en bas de page
En plus d'offrir au lectorat l’opportunité d’être un témoin privilégié de son univers, Nour Symon l’invite dans ses références culturelles avec 126 de notes en bas de page. Toutes les expressions arabes sont traduites et toutes les références qui pourraient dérouter le lecteur sont soigneusement expliquées.
Un exemple est la manière dont l'autaire explique la définition et la provenance du mot Khawal à l'aide d'archives. Ce terme signifie en arabe « ma tapette » et était aussi utilisée pour parler des danseurs traditionnels égyptiens « déguisés en femme » durant l'occupation ottomane.
Les hommages sont aussi très nombreux. Les dédicaces vont à des créateurs québécois tels que Gerry Boulet, mais aussi à des divas arabes comme Oum Kalthoum ou des figures queers marquantes comme Marsha P. Johnson. Sa lettre adressée à l’écrivaine innue, Naomi Fontaine, est d'ailleurs sublime: «À défaut d’en être arrivé·e à l’incroyable beauté mature de ton regard sur ton peuple, je dois avouer t’envier, pour la tendresse et l’amour que tu vois et reçois.»
Les facettes identitaires
L’autaire déballe tout au long du récit les multiples facettes de son identité « trans fèm égypto-québécois·e neurodivergent·e polyamoureux·se et pansexuel·le. » Certains passages illustrent une émancipation identitaire, sa famille choisie ou des réflexions sur la décolonialité. Le livre aborde aussi les dimensions du racisme, la transphobie et les traumas qui en découlent.
Le lectorat peut mieux saisir cette réalité complexe où tant de marges s’entrecroisent qui mènent à adopter et à s'affranchir de certains codes sociaux: « c’est plutôt cette chose magnifique et étrange qu’est, justement, la non-possession de codes communs, et l’obligation de les rendre visibles, de poser des questions pour s’assurer du bien-être de l’autre. »
Une touche numérique
L'œuvre se démarque avec son ajout de numérique, tel que des captures de publications Facebook, des échanges de textos ou des codes QR qui mènent vers des musiques. Cette pratique est plutôt inusitée et permet d’archiver une certaine réalité numérique sur des pages.
Ce qui est moins intéressant des codes QR, c’est que les vidéos YouTube auxquels ils mènent sont souvent accompagnées de publicités. Se tourner vers des liens numériques accompagnés de publicité de Temu est donc moins intéressant.
Nour Symon offre une œuvre chargée en matière, mais qui se lit en douceur. Le ton bienveillant de sa plume et sa manière de contempler la beauté qui l’entoure en est pour beaucoup.
Khawal, le privilège de la beauté, est disponible dans toutes les librairies du Québec dès le 24 septembre.
Mention photo : Éditions du Noroît
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