Crédits photo: Jean-François Roy
Ayant d’abord expérimenté avec des papiers monochromes, l’origamiste Jean-François Roy préfère désormais les cartes géographiques. Par de minutieux pliages géométriques, l’artiste montréalais les transforme en une série de bas-reliefs regroupés dans le cadre de son exposition Territoires Manipulés, présentée à la maison de la culture Ahuntsic jusqu’au 13 février.
Mêlant sculpture et géographie, l’artiste exploite la richesse graphique des cartes, qu’elles soient issues de guides touristiques ou d’Atlas, afin d’approfondir la dimensionnalité de ses œuvres. « Les cartes géographiques apportent une multitude de couches de lecture. Il y a, à un premier niveau, mon travail de pliage, mais également la qualité visuelle de la carte. Et puis il y a un 3e niveau, quand on commence à lire ce qui est écrit sur celle-ci », précise-t-il.
Le public est d’ailleurs invité à prendre part à une partie de « cherche et trouve » ludique l’entraînant dans une observation attentive des œuvres. « Ça emmène les gens à explorer ces différents niveaux de lecture, à aller dénicher les informations cachées », ajoute l’artiste en insistant sur la valeur historique des documents originaux servant de matière première à ses sculptures.
Tectonique des cartes
Par sa démarche, Jean-François Roy s’improvise cartographe, redessinant les frontières et géométrisant les côtes selon son imaginaire minimaliste. « J’ai deux façons de travailler : d’un côté, je regarde le document et j’essaye d’en tirer les lignes de force, je les accentue pour donner du relief à la carte elle-même. D’un autre, je vais parfois plaquer un motif sur une carte sans aucun égard au territoire », détaille l’artiste.
Avec cette seconde approche, il ne se limite pas à la géomorphologie préexistante. Il se permet, par le biais des plis du papier, de transformer des territoires aux silhouettes familières. L’origamiste propose ainsi une évasion vers un univers parallèle où une profonde crevasse divise le Royaume-Uni, des pics vertigineux émergent de l’Atlantique et les pôles se décomposent en motifs astérisques.
Mémoire de papier
L’imposante Nord America, conçue à partir d’une affiche scolaire, se distingue des autres œuvres. Ses plis arrondis lui apportent une touche organique qui, selon l’artiste, n’était pas intentionnelle : « Initialement, la carte était enroulée et je l’ai aplatie afin qu’elle n’ait plus de courbes physiques, mais au fil des semaines elles ont repris le dessus. C’est ce genre d’heureux accident qui arrive quand on travaille avec des objets », explique-t-il.
L’éclairage intensifie les ombrages définis par la configuration méticuleuse des origamis, qui se superposent aux topographies illustrées sur les cartes. « Ce qui me plaît énormément dans le pliage géométrique, c’est le côté changeant de la sculpture : elle a une vie en elle, elle n’est pas statique », affirme l’artiste en évoquant la façon dont la lumière et le point de vue métamorphosent ses créations.
Jean-François Roy redonne vie aux références papier autrefois indispensables aux voyageurs et voyageuses averti·e·s, mais aujourd’hui éclipsées par les technologies de géolocalisation. Plusieurs œuvres rappellent même des cartes routières tout juste extirpées d’une boîte à gant, hâtivement dépliées pour guider les égaré·e·s d’une lointaine contrée.
Plusieurs œuvres de Territoires manipulés seront exhibées à la galerie Vincent-D’Indy de Boucherville du 9 mars au 3 avril 2022.
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