
En ce samedi après-midi, la galerie d’arts visuels Projet Casa, avenue de l’Esplanade, étouffait les rires en provenance du parc Jeanne-Mance. Planchers craquants et silence presque total se sont joints à notre visite de l’exposition Royaume/Kingdom du designer canadien Rad Hourani, une réflexion éclatée à plusieurs volets sur la neutralité de genre et les dynamiques sociétales de pouvoir.
Le jeune artiste multidisciplinaire n’en est pas à ses premiers flirts avec la neutralité, qu’elle soit de genre ou de classe. Il en fait sa marque de commerce et la revendique, muni de ses vêtements de prêt-à-porter ou de grand luxe comme ceux de Royaume/Kingdom. Premier créateur canadien invité à la Chambre syndicale de la haute couture à Paris, Rad Hourani ratisse large à Projet Casa. On y retrouve des tenues, bien évidemment, mais aussi des sculptures robotiques en soie, des drapeaux faits de retailles qui rappellent ses préoccupations environnementales, des portraits numériques et une vidéo dansée.
Rad Hourani, instigateur incontournable de la haute couture non genrée, est devenu en 2007 le premier designer de l’histoire de la mode à proposer une collection entièrement unisexe. Le trentenaire déroge à son style sombre et carré avec Royaume/Kingdom, mais continue de surfer sur cette même vague idéologique d’un bris des frontières entre les genres.
Comme son titre l’indique, les morceaux de l’exposition, principalement faits de soie et de velours, paraissent tout droit tirés de la royauté. Sous forme de couches superposées sur les mannequins, les costumes minutieusement découpés ont une allure princière. Les masques et les nœuds qui ornent le cou et la taille des mannequins semblent les emprisonner, les dégarnir de toute identité. C’est voulu : Hourani est fermement convaincu qu’une société non compartimentée en serait une plus forte et plus libre.
L’artiste évoque sa crainte d’un monde de plus en plus envahi par l’intelligence artificielle avec Robots et Portraits, séries de sculptures et de toiles qui trouvent harmonieusement leur place entre les vêtements. Toutes accrochées aux murs et parfois inclinées vers l’avant, ces œuvres monochromes dévisagent pratiquement les visiteurs et visiteuses. Il devient inévitable de se sentir bien petit – et bien humain – devant ces incarnations singulières du numérique.
Les costumes étagés de Rad Hourani ont été conçus pour bouger. Cette image n’est toutefois concrétisée qu’à la toute fin de l’exposition, sur un petit écran du deuxième étage sur lequel est projetée une chorégraphie de la danseuse canadienne Wynn Holmes, où sept danseurs et danseuses donnent vie aux créations du designer. Il est dommage que la captation ne s’étale que sur deux minutes. Humaniser l’idéal d’une fusion vestimentaire des genres par la danse, pourtant, est une façon brillante de montrer au grand jour l’audacieuse polyvalence des vêtements de Rad Hourani.
Royaume/Kingdom est exposée à Projet Casa jusqu’au 1er mai 2021.
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