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Quand la différence suscite des malaises

Dès notre arrivée dans la salle du théâtre Espace Libre, un des comédiens est déjà sur scène en train de préparer un gâteau; scène des plus banale, mais qui pique la curiosité du public. Son apparence sur scène avant le début de la présentation a-t-elle une signification particulière? Avec des tableaux alternant entre danse, tricot, théâtre et objets gonflables, la pièce Dis merci écrite collectivement et dirigée par Catherine Bourgeois, propose une réflexion sur la légitimité qu’on accorde à un humain qui sort le moindrement de la « norme. »


Cette pièce raconte l’histoire de quatre voisins qui tentent d’organiser une fête, afin d’accueillir une famille de réfugiés syriens qui arrivera prochainement dans le pays. Malgré leur sincère volonté de s’ouvrir aux autres, leurs méthodes employées sont très maladroites. Les bonnes intentions et les préjugées s’entrechoquent et rendent l’organisation de la fête d’accueil tout simplement inadéquate. Les personnages se heurtent donc à des luttes identitaires, au travers des sujets des plus élémentaires.


Tous debout La pièce est une production de la compagnie Joe Jack et John qui, depuis 15 ans, emploie des acteurs professionnels avec des handicaps. Le jeu d’acteur de tout et chacun est tout simplement incroyable. En particulier celui de Marc, joué par un comédien atteint de déficience intellectuelle.  

Son interprétation est naturelle, malgré les quelques petits blancs de mémoire à certains moments. Ceux-ci ne nous font pas décrocher de la pièce, on a seulement l’impression qu’il a de la difficulté à s’exprimer. Je trouve que c’est un élément qui va bien avec la pièce, comme s’il réfléchissait avant de dire certaines choses qui pourraient faire réagir.


Dans cette pièce, le public fait partie intégrante du spectacle et il arrive aux comédiens de s’y adresser en le regardant, en particulier lors des monologues. À mes yeux, le moment le plus touchant de la pièce est celui du monologue du personnage d’Ali, un Congolais arrivé au pays il y a quinze ans, qui n’a reçu aucune aide pour s’intégrer. Alors que plusieurs personnes sont ici depuis des années et qu’elles n’ont aucune aide, des réfugiés sont accueillis à la tonne avec des logements réservés et tout ce qui est essentiel. Son discours dénonce l’injustice à laquelle il a fait face.


Les comédiens abordent des sujets très sérieux avec une touche d’humour, ce qui cause un inconfort chez le public à certains moments. Malgré tout, à la suite de la pièce, tous se sont levés, afin de faire une ovation aux comédiens. Rien de moins.


Différentes perceptions


Au niveau de la mise en scène, tous les éléments de la composition scénique minimaliste avaient une signification particulière. Notons la présence de quatre différentes chaises, passant du gros fauteuil brun électrique, qui représentant le confort au tabouret chambranlant, à l’opposé,

On aborde aussi la question des hiérarchies, desquelles même si on croit être au bas de l’échelle, « elle continue dans le sol et il y a des gens sur chaque barreau, il y a toujours quelqu’un qui est encore plus misérable que nous. » Le fait que ce message soit dit par Dan, jouant le rôle d’un caucasien dans la trentaine, a suscité un certain malaise chez le public, car juste avant, il divulguait ses privilèges d’homme blanc.


Une autre situation présentée dans la pièce expose aussi la question de la perception différente d’un même objet. Lors de la préparation de la fête d’accueil, Emma et Ali se disputent quant à la forme d’un ballon. Ali pense que c’est un éléphant comme il y a au Congo, tandis qu’Emma le qualifie comme de l’art abstrait. Ali revient ensuite sur scène avec un gros ballon en forme d’éléphant, sans contredit une scène divertissante pour le public qui riait aux éclats.


Faire passer un message

La pièce fait passer un message très fort concernant les différences, au sein même de notre société. On se rend compte que les messages d’aliénation, de racisme et d’intolérance sont omniprésents, même dans les discussions les plus banales de notre quotidien et ça m’a fait beaucoup réfléchir.


À la fin de la pièce, pour conscientiser davantage le public,  il y avait une discussion avec une spécialiste en immigration, ainsi que la metteure en scène de la pièce, au sujet des nouveaux arrivants et de leur intégration, une formule que je n’avais jamais vu et que j’ai bien appréciée.

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