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Photo du rédacteurMalika Alaoui

La sororité des Sirens

Cet article a été écrit dans le cadre d’un dossier spécial sur le Festival Filministes.


Le 11 mars dernier, le Festival Filministes a présenté Sirens, un documentaire de la réalisatrice américano-marocaine Rita Baghdadi. Le film suit la réalité de Slave to Sirens, un groupe de metal libanais exclusivement féminin qui tente de se faire une place dans un pays déchiré par des crises sociales, politiques et économiques majeures.


Slave to Sirens est un groupe de trash metal libanais composé de Maya S. Khairallah à la voix, Lilas Mayassi et Shery Bechara à la guitare, Alma Doumani à la basse et Tatyana Boughaba à la batterie. Le groupe est né en 2016 d’une idée de Lilas et Shery, les deux guitaristes et fondatrices. Bien que Slave to Sirens compte cinq artistes, la réalisatrice a fait le choix de se concentrer principalement sur ces dernières.


Seules au monde

Le documentaire s’ouvre sur les membres qui reçoivent une invitation à performer sur la scène du festival de Glastonbury en Angleterre. Le groupe est soudé, les artistes sont très reconnaissantes d’avoir la chance d’être invitées sur scène. Arrivées sur place, la foule réduite ne rebute aucunement le groupe qui livre une performance exceptionnelle.


Le documentaire suit alors leur retour à Beyrouth, capitale d’un pays sous tension. Des disputes éclatent au sein du groupe. Elles n’arrivent pas à se mettre d’accord sur certaines pièces musicales qu’elles construisent ensemble.


Le climat de crise se ressent régulièrement alors que de nombreuses coupures de courant viennent perturber le travail des musiciennes. Celles-ci semblent habituées puisqu’elles ne réagissent pas particulièrement.


Une cage à ciel ouvert

À l’image du pays, l’unité du groupe présentée à l’écran au début s’effrite et laisse place à une instabilité constante. Lilas, cofondatrice du groupe, rêve d’émancipation, autant dans son art que dans sa vie personnelle. La jeune femme vit toujours avec sa mère (chose qui lui pèse) et doit mentir à cette dernière sur la nature de sa relation avec une jeune fille syrienne, qui vient lui rendre visite de temps en temps.


Parallèlement, Shery, l’autre cofondatrice, décide de se retirer du groupe, irritée par le despotisme de Lilas. Au fil du documentaire, cette dernière dévoile son passé amoureux houleux avec Shery, à l'origine de tensions et d’amertume. Avec un membre en moins, le reste de la bande essaye de travailler sur différents morceaux, mais bute sur le vide qu’a laissé Shery et insiste pour que les deux femmes aient une conversation sérieuse afin de remédier à la situation.



Les ailes coupées

Le documentaire de Rita Baghdadi aborde des sujets forts comme l’émancipation et la sororité au-delà de la particularité musicale de ce groupe de musiciennes. Lilas remet en question leur ensemble et demande conseil autour d’elle, essayant de comprendre si ses efforts en valent la peine. « Vous êtes les seules femmes à faire du trash metal, si vous faisiez de la pop, ça fonctionnerait mieux », lui conseille-t-on. Mais Lilas s’en fiche : son rêve à elle, c’est de créer sans limites, d’utiliser la musique comme exutoire dans un pays où on cherche à lui couper les ailes.

Les filles essayent de recoller les pots cassés pour continuer à créer ensemble, malgré le fait qu’elles portent toutes des blessures en elles. La mère de Lilas, très protectrice, lui répète qu’elle a peur que son enfant s’en aille.


Dans Sirens, il est aussi question de censure, notamment avec la mention du groupe de rock libanais Mashrou’ Leila qui a tenté de dénoncer l’homophobie… en vain. Le groupe a été accusé de porter atteinte aux symboles du christianisme et s’est vu déprogrammé d’un festival international de musique à Byblos, une ville située à une quarantaine de kilomètres de Beyrouth. Noyé dans une vague de menaces de mort et de messages à caractère haineux, le groupe a décidé de cesser ses activités en septembre 2022.


Un choix critiqué

Lors du festival, la projection a été suivie d’une discussion avec Marion Zahar, doctorante en science politique à l’Université de Montréal et Catherine Rima Dib, journaliste à Radio-Canada. Au cours de cet échange, un choix de la réalisatrice a été vivement critiqué; Rita Baghdadi a intégré des images de l’explosion survenue à Beyrouth le 4 août 2020. Pour les femmes sur scène, il était inutile d’utiliser ces images dont le visionnement est douloureux pour la communauté et la diaspora libanaise.


Crédits photo : Rita Baghdadi

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