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Genderf*cker : estomper la binarité

Crédits photo: Jérémie Battaglia


Avec le film Genderf*cker, présenté en webdiffusion du 21 février au 30 juin sur la plateforme Vimeo, la comédienne et performeuse Pascale Drevillon explore les concepts de genre et d’identité en se mettant en scène dans une performance déstabilisante.


« Il y a un moment très bref, quelque part avant l’enfance, où on pense à la personne qui va naître au-delà du genre. Mais dès qu’on peut visiblement discerner un genre, la liberté absolue de notre imagination prend fin. » Pascale Drevillon amorce Genderf*cker avec ces mots, dressant la table pour l’heure à venir. La militante pour les droits des personnes trans offre au public une œuvre inspirée de son parcours ; elle s’y livre corps et âme.


Pascale Drevillon a réalisé ce film d’une heure à partir de la performance du même nom qu’elle avait présentée, entre autres, au Festival TransAmériques en 2019 et au Théâtre Espace Libre en 2020.


Sortir de sa chrysalide


Les premières images du film montrent Pascale à l’enfance, entourée de sa famille. Puis, contrastant avec ces souvenirs où la liberté se lit sur les visages, la performeuse apparaît à l’écran, momifiée. Assise sur une chaise au centre d’un triangle lumineux, elle est enroulée de la tête aux pieds dans de la cellophane. Elle se débat pour se libérer de ce cocon de plastique durant plusieurs minutes.


Les images de Genderf*cker parlent d’elles-mêmes. Une coiffeuse devant laquelle Pascale Drevillon joue avec des pinceaux et des fards pour modifier son apparence constitue l’élément central du décor. L’idée est géniale, car ces métamorphoses si simples illustrent les évolutions physique et psychologique complexes que peuvent vivre les personnes trans. L’actrice commence par se dessiner des traits masculins et une barbe.


Elle installe un faux pénis dans ses caleçons, accessoire qu’elle touche fréquemment comme pour faire resurgir sa masculinité. La performeuse offre une prestation très physique où elle exprime colère et violence.


Revendiquer par l’intimité


La deuxième moitié de Genderf*cker explore la féminité. L’actrice se juche sur des talons compensés. Suivie en tout temps par la caméra, elle se maquille et dévoile des lèvres rouges et des paupières fardées. Elle enfile une perruque et de la lingerie en dentelle. La sexualité revêt une importance centrale dans la définition de l’identité de genre de Pascale Drevillon, qui s’admire dans un grand miroir et reproduit des positions sexuelles.


La performeuse n’impose aucune censure à ses idées. Nudité, sexualité, agressivité : les âmes prudes seront probablement choquées.


Outre ce jeu d’apparences, la comédienne met de l’avant d’autres symboles liés à l’expression de genre. Elle passe un bon moment à crier, passant d’un ton grave et profond à un ton haut perché et suave. « Ça, c’est ma vraie voix féminine, c’est comme ça qu’il faut parler », lâche Pascale Drevillon en se déplaçant sensuellement. Plus tard, elle énumère les nombreuses opérations chirurgicales qu’elle a reçues. Il aurait été intéressant de mettre davantage l’accent sur celles-ci et d’entendre Pascale nommer leur signification.


Rappelant les premières minutes, des vidéos de la jeune Pascale qui la présentent sous un jour rayonnant concluent Genderf*cker. Cette finale légère se savoure comme une ode à la naïveté de l’enfance.


L’objectif d’ébranler le public est atteint : la conception de l’identité de genre de Pascale Drevillon fait assurément réfléchir. Ses propositions crues mettent parfois mal à l’aise, mais de cet inconfort découle aussi une empathie qui permet de se rapprocher, pour un instant, du cheminement d’une femme trans.

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