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Bye Bye Tiberias : transmettre les mémoires mises sous silence

Film d’ouverture de la 26e édition des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM) Bye Bye Tiberias est le second long métrage de la cinéaste Lina Soualem. Celui-ci navigue habilement entre archives historiques et personnelles, poésie et entretiens afin de tracer le portrait de quatre générations de femmes.



Alors que la première réalisation de Soualem, Leur Algérie (2020), était dédiée à la mémoire et au récit de ses grands-parents d’origine algérienne, Bye Bye Tiberias revisite l’histoire de sa lignée maternelle en terres palestiniennes. Son histoire familiale débute dans les années 1940 aux abords du lac de Tibériade, un territoire aujourd’hui sous l’autorité d’Israël.  


Le documentaire suit l’arrière-grand-mère de la réalisatrice, qui faisait partie des personnes ciblées par la Nakba de 1948, soit l’évacuation et le déplacement forcés d’une grande partie de la population palestinienne de territoires désormais israéliens. Contraints à quitter Tibériade, ses arrière-grands-parents se sont établis dans le village de Deir Hanna. 


La cinéaste s’y rendra chaque année dès son enfance pour visiter sa famille, accompagnée de sa mère, la comédienne franco-palestinienne Hiam Abbass. Celle-ci avait quitté la Palestine à l’âge de 23 ans afin de poursuivre sa carrière de comédienne en France. En revisitant un héritage familial marqué par l’exil, Bye Bye Tiberias pose un regard nuancé sur l’identité, le déracinement et la force des liens familiaux.  


La nécessité de raconter  


La narration de Soualem, superposée aux archives personnelles et historiques, agit comme fil conducteur du récit. La cinéaste partage ses propres souvenirs et sa perception des événements documentés, révélant les liens qui l’unissent aux femmes de sa famille et à sa culture d’origine. La force de ceux-ci demeure malgré les exils et les transformations sociales propres aux différentes générations. 


Les images captées par la cinéaste, alors qu’elle accompagne sa mère sur des lieux ayant marqué la vie de celle-ci, ancrent le récit dans le présent.  Elles donnent une voix à son histoire, au désir d’évasion qui l’a amenée à quitter ses terres natales et à l’impact que cette décision a eu sur les relations familiales. La succession équilibrée d’entretiens, d’archives personnelles et de moments du quotidien permet d’accéder à la complexité des femmes dont la vie est documentée. 


Lier l’intime au politique 


En période de questions à la suite de la projection, la cinéaste affirme que sa démarche voulait permettre que « chaque être puisse exister dans toute son entièreté, dans sa complexité et ses contradictions ». 


Faisant référence aux préjugés projetés dans certaines productions cinématographiques à l’endroit des femmes palestiniennes, la cinéaste souligne l’aspect politique de son travail. En laissant une trace de l’existence riche des femmes de sa lignée, Soualem assure la visibilité de son peuple, de ces vies, et contre les préjugés véhiculés à leur égard.  


Les images d’archives historiques permettent à la réalisatrice d'ancrer le récit des femmes de sa famille dans celui de la société palestinienne. « Dans un contexte où les histoires non officielles sont tues, les mémoires intimes deviennent tout ce qu’il nous reste pour constituer la mémoire collective », souligne la réalisatrice. Soualem montre ainsi le caractère intrinsèquement politique de l’existence de ces femmes, touchées par le déracinement, mais dont la résilience et l’adaptabilité font acte de résistance.


Crédits photo: Courtoisie RIDM

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