Crédit photo: Pop Montréal
Première pièce de théâtre présentée dans le cadre du festival POP Montréal, Trapped in Elon’s Mansion n’est pas qu’une simple comédie, mais bien la revanche de l’écrivain montréalais Joe Bagel, à la suite d’un échange tendu sur Twitter avec nul autre que le PDG de l’entreprise d’aéronautique SpaceX, Elon Musk. Inspirée d’une suite d’événements des plus humiliants pour Musk, qui ont d’ailleurs coûté son poste de président du conseil d’administration de Tesla à ce dernier, Bagel tourne le malheur de son ennemi à la parodie.
Il y eut un moment en 2018, aussi court fut-il, où les fans de la musicienne canadienne Grimes et ceux de la rappeuse new yorkaise Azealia Banks se sont alliés sur le web pour célébrer l’annonce d’une imminente collaboration entre leurs artistes fétiches. Si la chanson tant attendue n’a jamais vu le jour, l’une des histoires les plus farfelues et incompréhensibles de l’année est née : Azealia Banks a affirmé avoir été séquestrée des jours durant dans le manoir du multimilliardaire sud-africain Elon Musk, le conjoint de Grimes, en attendant l’arrivée de celle-ci. Parmi les fausses allégations portées, celles fondées et les captures d’écran de conversations privées publiées, il semble impossible de séparer le vrai du faux de cet étrange incident, et encore moins d’en extraire une histoire qui ait ou queue ou tête (ou même ne serait-ce qu’un semblant de sens).
Ce n’est d’ailleurs en rien ce que tente d’accomplir l’autoproclamé écrivain « semi-lettré » Joe Bagel avec Trapped in Elon’s Mansion, présentée le 28 septembre dernier au Cinéma L’Amour dans le cadre du festival POP Montréal. « Prétendument » rédigée en vers shakespeariens, la pièce relate une version alternative et caricaturale de la saga Azealia versus Grimes et Elon Musk, où ce dernier parcourt son immense manoir armé d’une tronçonneuse à double scie de sa propre confection et où sa douce est la nouvelle « Becky with the good hair » de Jay-Z.
Le caractère profondément ridicule du spectacle est amplifié par son lieu de présentation. Bien que l’apparence rétro du Cinéma L’Amour lui accorde un charme indéniable, l’odeur qui s’en émane évoque vivement sa fonction principale. Il est d’ailleurs clair que la salle n’est absolument pas adaptée au théâtre puisque les comédiens peinent à se rendre des coulisses à la scène et vice-versa, au-delà de laquelle trône un énorme écran qui ne semble momentanément exister uniquement que pour les narguer. Des problèmes techniques accablent par ailleurs la pièce, qui n’est en que plus drôle parce qu’il devient évident qu’on assiste ici à un spectacle essentiellement amateur. Les comédiens ont leur texte en main, en oublient fréquemment des passages ; les costumes caricaturent de peine et de misère les célébrités qu’ils doivent évoquer à l’aide des morceaux les plus grotesques que le Village des Valeurs a à offrir. Ces éléments permettent toutefois à une ambiance de camaraderie de s’installer au sein de l’assistance, où le rire devient facile et contagieux. L’atmosphère est donc parfaite pour profiter pleinement d’une œuvre totalement dénuée de prétention et regorgeant d’un humour aussi pointu et référentiel qu’impunément stupide.
Malgré quelques longueurs et certains passages confus – qu’on ne peut qu’excuser considérant les événement sur lesquels le texte est basé – les blagues sont bonnes, les rimes sont infiniment niaiseuses et, par-dessus tout, l’audience est comblée, comme en témoignent les fous rires qui la secouent ponctuellement.
Si Trapped in Elon’s Mansion entame pour l’instant une tournée mondiale, passant notamment par Londres et Los Angeles, on peut espérer un éventuel retour du spectacle – amélioré et dûment pratiqué – à Montréal.
Commentaires