« Bienvenue à l’Expozine »
Papier blanc. Police: Arial. Caractère : 48.
Cette affiche des plus ordinaires, collée sur une des portes du sous-sol terne de l’Église Saint-Enfant-Jésus, n’avait rien d’invitant et ne présageait pas un événement des plus palpitant. Pourtant, lorsqu’on ose pousser ces portes banales, on débarque à Narnia.
Il ne s’agit pas du monde merveilleux imaginé par Clive Staples. Il s’agit du Narnia des éditeurs indépendants, où Aslan est remplacé par un grand jeune homme dont la barbe fournie donnerait des complexes au père Noël, et où la sorcière blanche est incarnée par le parti libéral dans les zines engagés de poètes rongés par les inégalités sociales.
Ce monde étonnant est en fait l’Expozine, un événement qui réunit chaque année des milliers d’amoureux de la littérature produite par de petits éditeurs indépendants. Le 15 et 16 novembre passés, plus de 270 exposants francophones et anglophones ont partagé avec entrain leurs créations uniques avec les amateurs d’imprimés.
À l’odeur de l’encre et du papier se mêlent les parfums trop prononcés de nos aînées, ainsi que l’odeur de renfermé propre aux endroits dont la clientèle est apte à réciter un « Notre Père » sans se tromper. Les visiteurs se promènent, épaule à épaule, dans une fluidité qui rappelle plus celle d’un groupe de dodos, que celle d’un banc de poissons.
Cette foire immense réduite à un espace ridiculement petit exhale une chaleur humaine des plus agréables. Des mangas aux recueils de poèmes, des bandes dessinées aux histoires érotiques dont vous êtes le héros, il y a de quoi satisfaire tous les lecteurs. Les zines, de petites revues originales souvent produites en petite quantité, dominent les tables d’exposition. L’événement apporte également son lot d’artisans marginaux ou tout simplement rigolos.
« Ça c’t’une BD improvisée lors d’une soirée ben arrosée », raconte un artisan en essayant de vendre son roman illustré, imprimé sur un papier presqu’aussi mince que du papier calque. Son pitch n’a malheureusement pas convaincu l’homme vêtu d’un grand complet qui n’a visiblement aucune idée de ce qu’est une « soirée ben arrosée ».
Cette édition de l’Expozine était la treizième. La majorité des exposants sont des habitués de l’événement qui reviennent vivre l’expérience depuis quelques années. Gauthier Langevin, un des éditeurs francophone de la maison d’édition Lunak, dit qu’il recommence l’aventure « par tradition, parce que c’est ici qu’il s’est fait encourager au début. » D’autres, comme Alexandre Lemire viennent, car c’est la « seule place où on te prend pas la moitié de l’argent de tes ventes. » Il précise toutefois que c’est aussi pour le « contact humain », pas seulement pour des raisons économiques.
C’est toutefois la raison d’un représentant de la coopérative Coup d’griffe, représentative du mouvement contre l’austérité qui remporte la palme. « L’Expozine nous permet aussi de passer notre propagande » me dit-il en distribuant des prospectus invitant à une rencontre sur les enjeux du transport d’hydrocarbures à Montréal.
Je profite donc de la fin de cet article pour passer ma propagande en vous conseillant fortement de participer à l’Expozine 2015.
Mélina SOUCY
Journalisme
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