Crédit photo: Photo: Jacques Boissinot : La Presse canadienne
« Merci, Jennifer Drouin, de faire reconnaître qu’au parti québécois même les mâles ont grandement aidé la cause du féminisme. »
La citation plus haut n’est qu’un des très nombreux commentaires d’internaute que j’ai eu le déplaisir de lire suite à la réponse critique de Jennifer Drouin à la lettre « Féministes, puisqu’il le faut encore », publiée par Manon Massé, le 8 mars dernier. Dans sa lettre, Massé s’attaque aux Boys Club politiques, aux hommes qui se passent le pouvoir, aux mesures limitées prises pour s’attaquer aux problèmes d’inconduites sexuelles et au ras le bol généralisé des femmes face aux problèmes flagrants de la fonction publique.
Sous tous les fronts, 2018 c’est l’année où, enfin, nous n’acceptons plus le statu quo comme profession de foi.
En soit, le texte est campé dans une position claire; venant de la candidate de Québec solidaire on n’en attend pas moins. Je ne suis pas toujours d’accord avec ce que Manon Massé énonce, mais je reconnais que c’est une voix nécessaire dans le paysage politique québécois. Une voix dissidente par rapport aux voix majoritairement masculines des partis politiques. Moi aussi, j’en ai assez de voir les hommes au pouvoir en donner toujours plus aux plus riches et couper dans nos services. La plus récente situation visant l’augmentation du salaire des médecins n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Sans compter la vague d’accusation face aux inconduites sexuelles. Sous tous les fronts, 2018 c’est l’année où, enfin, nous n’acceptons plus le statu quo comme profession de foi.
Suite à cette lettre, les médias et les politiciens se sont enflammés. Le village entier s’est mis en chasse contre la vilaine sorcière de Québec solidaire. Jennifer Drouin, candidate pour le Parti Québécois, a publié une réponse outragée intitulée « Manon Massé ou comment nuire au combat féministe ». Drouin critique la position de Massé qu’elle considère comme « anti-homme ». Cependant, le lecteur réalise rapidement que la députée péquiste utilise cette plateforme pour discréditer son adversaire politique tout en mettant de l’avant les « réalisations » du Parti Québécois. À l’approche des élections, on peut se poser la question : propagande much ? Avant même de lire le texte, c’est d’abord le titre qui m’a choquée. Avec le travail de front que Massé accomplit depuis ses débuts en politique, je serais surprise qu’elle nuise à la cause. Évidemment, ça ne passe pas pour les politiciens visés. Jean-François Lisée s’est insurgé en rappelant sa participation au projet d’équité salariale sous Jacques Parizeau. Le chef du Parti Québécois renchérit en remémorant le temps où il était conseillé sous Lucien Bouchard, alors que ceux-ci mettaient sur pied la politique familiale, « la meilleure de l’Amérique du Nord ». J’aimerais prendre le temps de vous rappeler que Parizeau a été premier ministre de 1994 à 1996 et Bouchard de 1996 à 2001. Pas très très moderne tout ça, Monsieur Lisée…
Mais les réactions qui me sont restées en travers de la gorge, ce sont les commentaires des internautes ou alors de Jennifer Drouin, qui encourage les femmes à prendre en considération les quelques initiatives des hommes et à les remercier. « Remercier ». Le terme choque. Depuis quand les communautés marginalisées, tenues à part des instances de pouvoir, doivent-elles remercier les systèmes qui les oppriment ?
Certes, il y a eu du progrès au niveau de la condition féminine. Oui, nous avons pu compter sur des alliés de taille chez les hommes. Je ne suis pas anti-homme, je vais mettre cela tout de suite sur la table, avant que l’on m’accuse du contraire. Par contre, je ne vais pas me plier à remercier les hommes qui m’offrent des opportunités devant m’être accordées de façon naturelle. Tout comme les communautés LGBTQ ne devraient pas remercier les hétérosexuels respectant et défendant leur communauté. Se faire allié d’une cause qui n’est pas la nôtre, c’est d’abord réaliser que notre système et nos relations de pouvoir sont archaïques. Que ces relations servent un groupe restreint et spécifique d’individus et que les choses doivent changer. Être allié, c’est réaliser l’injustice, ce n’est pas attendre des applaudissements.
Je ne suis pas Sophie Grégoire qui, le jour de la femme, remercie les hommes. Je ne suis pas Lise Thériault, ancienne ministre de la condition féminine, qui, en 2016, se proclamait humaniste. Je reconnais que l’unité rend plus fort, mais ce sont des femmes fortes qui ont fait avancer les choses. Des femmes fortes en politique au Québec, il y en a eu. Je vais applaudir leur travail avant celui des hommes.
J’ai du mal à croire que le jour international du droit des femmes, une maudite journée par année, une femme, politicienne de surcroît, ne peut pas en appeler aux femmes et remettre en question notre système patriarcal sans se faire lyncher. Ce n’est qu’une preuve parmi tant d’autres que les hommes politiciens blancs craignent l’inévitable changement de paradigme en marche depuis les dernières années. Désolée messieurs, le gros bout du bâton ne vous appartient plus. GET OVER IT.
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