Saint-Narcisse est un long-métrage du cinéaste ontarien Bruce LaBruce, reconnu pour son style provocant aux thématiques queer.. Revisitant le mythe de Narcisse, ce dernier a déclaré, lors de son passage aux Giornate degli Autori à Venise, que son film prenait place dans les années 70 pour exacerber le ridicule du narcissisme à l’ère des réseaux sociaux et des selfies. Le film met en vedette Félix-Antoine Duval, Tania Kontoyanni, Alexandra Petrachuk et Andrea Aspergis. Saint-Narcisse, sorti en septembre 2020, est présenté dans le cadre de la 49ième édition du Festival du Nouveau Cinéma du 7 au 31 octobre.
Saint-Narcisse débute avec Dominic (Félix-Antoine Duval), un beau jeune homme qui s’occupe de sa grand-mère qu’il considère comme sa seule famille. À la mort de celle-ci, il découvre des lettres conservées prouvant que sa mère n’est peut-être pas morte en couche comme il le croyait jusque-là. Sur sa moto, il débarque à Saint-Narcisse et trouve vite Béatrice (Tania Kontoyanni), qui s’avère bel et bien sa mère. Cette dernière, que l’on surnomme la sorcière au village, vit reculée avec Irène (Alexandra Petrachuk), une femme plus jeune. Leur relation – mère/fille ou amantes – est ambiguë. Ce n’est pas la seule surprise qui attend Dominic à Saint-Narcisse alors qu’il s’y découvre un frère jumeau (toujours Duval) dont même Béatrice semble ignorer l’existence.
Le film de LaBruce se situe dans les années 70. Avec son style kitsch, il prend des allures de film de série B. On y additionne une bande sonore que nous aurions bien entendue dans les films à suspense et thriller des années 50. Tout ça rend le film sympathiquement provoquant, au départ. Le thème de Narcisse commence avec l’utilisation farfelue que fait Dominic de son polaroid. Il se prend constamment en photo. Et alors qu’il sort d’un bar, il se saisit de son appareil, prend quelques poses et en distribue les clichés aux gens dans la rue. Drôle d’idée, mais c’est exactement ce qu’on fait aujourd’hui selon LaBruce : nous nous prenons en selfie et les distribuons automatiquement aux autres en les publiant sur nos plateformes.
Le narcissisme des personnages prend plusieurs formes. Béatrice, qui vit reculée dans la forêt, fait de la fille de son ancienne partenaire son amante. Le Frère Andrew (Andrea Aspergis) voit en Daniel, le jumeau, la réincarnation de Saint-Sébastien, et refuse qu’il quitte le monastère dans l’égoïste intention de le garder pour lui et continuer d’en faire son jouet sexuel. Sexe et tension sont incontournables et l’inceste ne tarde pas à faire son entrée. L’inceste entre jumeaux est en fait la genèse du scénario. Quoi de plus narcissique que le fantasme de coucher avec sa copie conforme ? C’est ainsi que religion et esprit libertin se confrontent de manière dérisoire et même parodique, dans un style très seventies.
S’installe cependant une certaine longueur alors que les différents éléments peinent à prendre leur sens pour finalement se conclure en un amalgame un peu confus. Si la réflexion derrière le film est très intéressante, le rendu, lui, laisse l’auditoire perplexe. Rapidement, on sent que le principal intérêt de Bruce LaBruce est avant-tout de conserver sa réputation de provocateur. Le film sait assurément intriguer l’auditoire, mais le texte évite d’explorer et de répondre aux questionnements mis en place. Cela l’empêche d’atteindre une certaine profondeur et, par le fait même, de saisir les réelles intentions du film, ce qui aurait pu faire passer Saint-Narcisse à un niveau supérieur.
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