La réalisatrice Laurence Lévesque emmène le public dans sa valise lors de ce long métrage plongeant dans l'histoire cruelle de Nagasaki, changée à jamais par la bombe atomique. Deuil, fardeau des souvenirs et devoir de mémoire tissent avec lenteur et empathie la tapisserie de ce documentaire.

Okurimono raconte la quête de Noriko Oi, une Canadienne d'origine japonaise et accessoirement la belle-mère de la réalisatrice. De retour à Nagasaki, Noriko doit faire le ménage dans sa maison d’enfance pour la mettre en vente et en profite pour dépoussiérer de vieux souvenirs.
Les lettres
« Maman ne nous a pas raconté grand-chose » est l’une des premières paroles prononcées dans le film par l’une des sœurs de Noriko. Un constat troublant qui traduit une réalité sombre : les survivant·es de la bombe (hibakusha) avaient honte de ce qui leur était arrivé.
C’est dans le but de mieux comprendre cet événement dont on ne lui a rien raconté que Noriko, armée d’une correspondance de l’époque entre sa mère et une autre survivante, tente de rencontrer d’autres hibakusha. C’est une quête pleine de tendresse qui permet au public d’y transposer ses propres questions sans réponse, une constante chez toutes les relations entre parents et enfants.
La maison
Le nettoyage de la maison est la représentation visuelle de cette quête et permet d’introduire des moments silencieux de contemplation. Le film donne le temps au public de ressentir et de réfléchir, créant une expérience apaisante malgré les propos parfois déconcertants des survivant·es de la bombe.
Au-delà de la maison, c’est également la nature qui est un cocon réconfortant. La mer agitée brille à l’horizon et les montagnes verdoyantes étreignent la ville. Ces plans extérieurs, par leur cadrage plutôt serré et leur teinte sombre, font de l’environnement une bête mystique, intimidante pour le public, mais familière pour les habitant·es.
Les hibakusha
Les survivant·es de la bombe sont les conteurs et conteuses de ce film, chacun·e ayant sa propre histoire du 9 août 1945. Ils et elles sont les créateurs et créatrices d'émotions, transmettant l’empathie, le choc, l’incompréhension et la peur. L’un des témoignages les plus marquants est celui d’un homme qui s'était réfugié dans la montagne et était revenu en ville pour trouver le corps de sa mère enseveli dans les décombres de leur maison.
Par leur nombre, ils et elles apportent une variété de témoignages, mais cela crée immanquablement une certaine confusion quant à qui se trouve à l’écran, surtout lorsque la famille de Noriko intervient aussi.
Il faut laisser aller ce détail pour s’attarder à ce qui est révélé. Laurence Lévesque mentionne que, « le geste de mémoire, ça demande quand même un effort, ça demande de s’y attarder », ce qui est valide pour les survivant·es comme pour le public.
Le cadeau (Okurimono)
Présenté durant les prochaines semaines, notamment au cinéma du musée et à la cinémathèque québécoise, il faut recevoir Okurimono comme ce qu’il est, un cadeau. Les lettres constituent l'excuse inattendue pour se rassembler, la maison représente l’emballage travaillé et soigné, les hibakusha forment le contenu mémorable. Il s’agit d’un présent pour les Québécois comme pour les Japonais, un présent pour la mémoire.
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