Crédit photo: Marie-Andrée Lemire
Les Coleman-Millaire-Fortin-Campbell, c’est une famille déconstruite, mais mal reconstituée, scotch tappée, afin de coller les morceaux qui s’effritent. C’est le portrait d’une famille dans ce qu’il y a de plus dysfonctionnel.
Incapables de vivre ensemble, cinq individus se partagent difficilement un (trop) petit appartement : une grand-mère, aimable et aimante, qui est le scotch tape plus que nécessaire des Coleman-Millaire-Fortin-Campbell. Elle assure un semblant de cohésion entre les différents morceaux qui ne peuvent s’assembler. Sa fille, Loulou, indomptable et irresponsable, qui peine à prendre soin de ceux qu’elle aime. Elle est la matière première des conflits familiaux. Ses jumeaux, David et Gabi, qui tentent par divers moyens, d’une part par l’alcool et la kleptomanie, de l’autre une surabondance de travail, de s’émanciper de cet appartement et de cette famille défaillante. Son autre fils, Mario, qui a un léger retard mental et qui fabule sans cesse, crée davantage de conflits dans ce groupe du moins hétéroclite. Tout le monde hurle et se bataille sans cesse.
Loulou a également un quatrième enfant : Véro, qui a grandi avec son père et qui n’a jamais subi une telle dynamique familiale. Elle détonne de ses pairs. Elle essaie d’ailleurs d’avoir le moins de contacts avec eux, par peur d’être « contaminée » par leur mode de vie. Elle s’y retrouve toutefois obligée lorsque sa grand-mère tombe malade et devient alitée à l’hôpital. C’est à partir de ce moment que tout s’effondre, tant au sens propre que figuré. L’impressionnant changement de décor entre l’appartement et l’hôpital devient à ce moment un élément majeur de la pièce.
Les Coleman-Millaire-Fortin-Campbell est adapté de la pièce de théâtre La omision de la familia Coleman de l’Argentin Claudio Tolcachir. Écrite pendant l’importante crise économique de 2002 en Argentine, Tolcachir dépeignait les familles plus pauvres obligées de se regrouper dans un appartement afin de limiter leurs dépenses. Le dramaturge avait envie de faire sentir cette promiscuité désagréable au public. Ainsi, la première représentation argentine de La omision de la familia Coleman s’est tenue dans un appartement de Buenos Aires, afin de limiter le public dans un espace étroit. Le metteur en scène de l’adaptation québécoise, Louis-Karl Tremblay, avait envie de garder la promiscuité déroutante entre les personnages et le public. (Trop) d’individus dans un même (trop) petit appartement sur une scène (trop) petite devant un public (trop) près. La promiscuité dérangeante de la pièce se ressent jusque dans la disposition de la salle Fred-Barry du théâtre Denise-Pelletier.
Les Coleman-Millaire-Fortin-Campbell, c’est un examen méticuleux de la cruauté ordinaire des relations familiales. L’ensemble est déroutant, tant dans la forme de la pièce de théâtre que dans son propos. Amalgamant moments durs et violents, parfois même émouvants ainsi que des répliques aux tournures d’humour noir grinçant, elle est un microcosme de la « parfaite » famille dysfonctionnelle. Malgré des trames narratives qui ne mènent nulle part, c’est une autopsie dérangeante de la dynamique familiale habilement menée.
Les Coleman-Millaire-Fortin-Campbell sera présentée à la salle Fred-Barry du théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 9 février. L’équipe pourra ainsi ajouter quinze représentations aux quelques 1 900 qui ont été interprétés à travers le monde de la pièce de théâtre argentine.
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