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Les aveugles + Dors mon petit enfant : êtres incorporels

Crédits photo: UBU compagnie de création


Pour la première fois depuis près de 20 ans sont présentées à l’Espace Go les deux « fantasmagories technologiques » du metteur en scène Denis Marleau, Dors mon petit enfant et Les aveugles. Les deux pièces complémentaires offrent à l’auditoire une expérience en deux temps, s’aventurant dans une quête de sens à la frontière entre la vie et la mort.


D’abord guidé vers une petite salle d’une blancheur vaporeuse pour assister à la première partie de la représentation, le public est ensuite plongé dans une obscurité presque totale durant le second volet. Tout au long de la soirée, on le sent scruter la scène à la recherche d’une quelconque présence humaine, mais en vain : les acteurs et actrices sont physiquement introuvables, personnifié·e·s par des corps et des masques moulés sur lesquels sont projetés leurs visages.


Dialogue dans les limbes


Dans Dors mon petit enfant, les figures artificielles prennent la forme de trois personnages dont l’apparence rappelle des poupées de porcelaine, amenés à la vie sous les traits des interprètes Céline Bonnier, Paul Savoie et Ginette Morin. Il et elles récitent le poème de l’écrivain norvégien Jon Fosse, œuvre à l’origine de la pièce. À travers leur échange empreint d’innocence, les personnages s’interrogent sur l’endroit où il et elles se trouvent. Sont ainsi abordés, avec une troublante naïveté, des questionnements existentiels fondamentaux, tels que la façon dont l’identité et le vécu affectent l’expérience de la mort.


Perdus dans le noir


Le mariage parfait entre le scénario des Aveugles, écrit en 1890 par le dramaturge belge Maurice Maeterlinck, et la mise en scène modernisée de Denis Marleau témoigne de l’intemporalité du texte centenaire. Céline Bonnier et Paul Savoie incarnent respectivement six des douze « aveugles » perdu·e·s en forêt après s’être éloigné·e·s de leur hospice. Ici encore, le comédien et les comédiennes brillent par leur absence. On décèle leur présence uniquement par leurs visages au regard hanté, flottant tels des spectres dans la noirceur. Comme les protagonistes de Dors mon petit enfant, le groupe tente de définir le lieu où il est égaré, guidé par des sensations qu’il essaie d’unir en un casse-tête infernal.


« Nous ne nous sommes jamais vus les uns les autres. […] Nous ne savons pas ce que nous sommes… Nous avons beau nous toucher des deux mains, les yeux en savent plus que les mains… », s’exclame avec frustration l’un des hommes. Pourtant, à défaut de voir, les personnages sentent, entendent et touchent : l’arôme d’une fleur sauvage, le bruissement d’une robe frôlant les feuilles mortes ou encore le clair de lune sur la peau.


Le remplacement du comédien et des comédiennes en chair et en os par des installations audiovisuelles relève d’un pari risqué qui repousse les limites de la pratique théâtrale. La mise en scène des deux pièces, pourtant, est exécutée avec un réalisme paradoxal saisissant. Ainsi, l’auditoire ne peut que s’identifier à ces étranges androïdes en quête désespérée d’éclaircissements sur leur condition d’être vivant.


Les pièces Les aveugles + Dors mon petit enfant sont présentées à l’Espace Go jusqu’au 28 novembre.

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