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Photo du rédacteurSami Rixhon

Le nonscénario

Éclaté, ambigu, caustique… Voilà tant de mots qui pourraient passer par la tête du spectateur ou de la spectatrice ayant jeté son dévolu sur le dernier Quentin Dupieux, l’excellent Le deuxième acte, présenté la fin de semaine dernière à Montréal dans le cadre du Festival du nouveau cinéma.



Dans une France dont l’attention est accaparée par les insipides comédies de Lachaux (pour les jeunes) ou de Clavier (pour les moins jeunes), un OVNI de la pellicule se dresse d’année en année envers et contre tout : l’extravagant Quentin Dupieux (tout comme Dupontel ou Ducournau, mais ça, c’est une autre histoire).


Le réalisateur français, aussi connu dans le milieu de la musique sous le pseudonyme de Mr. Oizo, est dans une forme olympique ces derniers temps avec un total de huit films réalisés en six ans.


L’envers du décor


Le deuxième acte puise principalement dans des procédés chers à Dupieux, soit l’absurde et le fait de briser le quatrième mur (à la manière d’un Au poste !, vers la fin). Il n’aura fallu que quelques secondes d’introduction avant que David (Louis Garrel) ne rappelle à Willy (Raphaël Quenard) qu’il ne peut tenir des propos quelque peu transphobes puisqu’« ils sont filmés » et qu’il a peur que les deux jeunes hommes se fassent « cancel ».


Déjà, le lien entre la réalité et la fiction est brouillé. Tout comme cette ligne entre la bien-pensance et l’esprit « réac ». Difficile de complètement asseoir le film sur le débat tant les dialogues (véhicules idéologiques?) de ses personnages tendent vers les deux extrêmes, reflet d’un monde qui n’a peut-être jamais été aussi polarisé et divisé qu’aujourd’hui.


Mise à nu


Florence (Léa Seydoux) et Guillaume (Vincent Lindon) s’ajoutent à la distribution pour compléter un quatuor de personnages aussi égocentriques qu’antipathiques. La magie de ce que l’on voit à l’écran n’est pas aussi fidèle à ce qu’il se passe derrière la caméra, alors.


Satires des déboires et névroses pathétiques du star-système, Lindon interprète à merveille le has been cynique et hautain en quête d’une dernière once de reconnaissance alors que Garrel excelle dans son rôle de comédien hypocrite, adepte du politiquement correct.


Car si les interprètes jouent, dans le film, des personnages fictifs, ils jouent également des acteurs et une actrice frustré·e·s sur un plateau de tournage incarnant ces mêmes personnages. Vous suivez? Sûrement, ce n’est pas si compliqué que ça à comprendre. Les minutes passent jusqu’à ce qu’un drame, sans dévoiler quoi que ce soit, ne laisse la salle de cinéma dans un silence total et rajoute encore une couche de brouillard sur cette sordide valse entre fiction et réalité.


Dupieux se montre plus malin que le public qui pensait l’avoir pris à son petit jeu.


Erreur de débutant, il ne faut jamais rien prendre pour acquis avec lui.





Sortie de nulle part, une critique acerbe dirigée à l’encontre de l’intelligence artificielle dans le monde des arts, bien que survolée, vient ponctuer l’histoire au 2/3 du film. La preuve qu’il est possible, avec du talent, de soulever rapidement des réflexions intelligentes sur des enjeux terriblement actuels.


Le deuxième acte est doté de qualités cinématographiques presque aussi brillantes que celles retrouvées dans Rubber ou Réalité, mais l’effet de surprise, lui, n’est pas aussi frappant. Peut-être que le public fidèle de Dupieux devient de plus en plus difficile face aux fantaisies du réalisateur? Peut-être faudrait-il attendre quelques années sans enchaîner machinalement les productions afin de revenir avec une histoire au concept assez fou pour tous et toutes les terrasser de nouveau? À suivre.


Note : 7,5


Mention photo: Le deuxième acte, Quentin Dupieux

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