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Ici et ailleurs, le financement des musées en crise

Photo du rédacteur: Alice Young Alice Young

Location de salle, hôtellerie, philanthropie : les musées se tournent vers des « techniques de revenus autonomes » pour faire face à la baisse du financement public, selon un rapport corédigé par des expert·es de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Une solution qui reste toutefois limitée pour les musées régionaux du Québec déjà en difficulté.


L'exposition Marisol: une rétrospective au Musée des beaux-arts de Montréal (2023-2024).  Mention: Alice Young.
L'exposition Marisol: une rétrospective au Musée des beaux-arts de Montréal (2023-2024). Mention: Alice Young.

Le rapport Faire face à la crise piloté par le Conseil international des musées (ICOM) s’est penché sur l’état du financement des musées partout à travers le monde, tous régimes politiques confondus. La diminution du financement est universelle. Le resserrement des finances est bien sûr exacerbé par la pandémie de COVID-19 et l’inflation.    


Lisa Baillargeon, coordinatrice de la recherche et professeure en sciences comptables à l’UQAM, soulève un paradoxe important : « [les gouvernements] ne veulent pas donner plus de financement, mais augmentent les exigences, que ce soit en matière de responsabilité sociale, d’EDI [équité, diversité et inclusion], d’environnement, de durabilité, etc. ». 


« Malgré l'inflation, beaucoup de musées sont restés avec le même financement qu'il y a des années », ajoute la professeure.


Diversifier les revenus


En réponse à ce « désintérêt de la culture », les institutions muséales déploient des stratégies de financement autonome. Madame Baillargeon donne l’exemple d’un musée en Amérique du Sud où « la communauté peut avoir un accès gratuit, mais les touristes vont payer plus ». Plus proche d’ici, le Monastère des Augustines à Québec assure sa pérennité grâce à son offre d’hébergement « au cachet historique ». 


« Peut-être que c'est une pression additionnelle pour les petits musées qui n'ont pas de plateforme transactionnelle ou qui ne sont pas au même niveau technologique », nuance toutefois Lisa Baillargeon.


Les musées d’ici à bout de souffle


Le mois dernier, le milieu muséal québécois s’est fait frapper de plein fouet par une suite d’annonces malheureuses : la fin de la gratuité du premier dimanche du mois, la coupure de 17 postes au Musée de la civilisation du Québec et la fermeture indéfinie du Musée régional de Rimouski. 


« On se serre la ceinture depuis de nombreuses années », lance la présidente de la Fédération nationale des communications et de la culture (FNCC), Annick Charette. Selon elle, le développement de stratégies de financement autonome est important, mais insuffisant dans le contexte actuel où les musées sont déjà à bout de souffle. « Dans les plus petites institutions, la problématique est que le financement des musées est en baisse constante. Ça fait au moins 20 ans que le financement des musées aurait dû être indexé [avec l’inflation]. »


« Le financement philanthropique, ce n'est pas une source infinie », ajoute Annick Charette, surtout pour les musées en région qui sollicitent déjà l’aide de leur communauté. 


Le syndicat déplore que les employé·es des petits musées, « qui sont fortement diplômé·es pour la plupart », ne soient pas payé·es en cohérence avec leur niveau d’étude. Le salaire moyen d’un·e employé·e de musée québécois est d'environ 27 $ l’heure, selon une enquête de la FNCC datant de 2022.


Rattraper le déficit une année de plus


La directrice du Musée POP à Trois-Rivières, Michelle Bélanger, observe une diminution alarmante du financement public provincial dans les dernières années. « Même si on augmente nos revenus autonomes, par exemple avec la fréquentation des groupes scolaires, ce n’est jamais assez pour nous permettre d'éponger cette perte-là », confie-t-elle. 


La fin du programme de gratuité pour le premier dimanche du mois annoncée en janvier dernier l’inquiète, puisque cela représentait 20% de la clientèle annuelle du Musée POP, en plus de rendre la culture accessible aux familles moins nanties.


Pour remédier à l’inflation, Michelle Bélanger aimerait que la ville réduise les taxes foncières des établissements culturels. « Nous, on est propriétaire de trois bâtiments. Donc, on a une augmentation de près de 30% cette année des taxes municipales », explique-t-elle. 


Une réalité aggravée en région éloignée


Le Musée de la Gaspésie connaît un déficit budgétaire contrôlé depuis plusieurs années. Une situation précaire qui devient alarmante. « 2025, c’est comme une année limite où on se disait “ça ne marchera plus”. On est obligé de faire des coupures dans les opérations avant même de commencer l'année », explique le directeur, Martin Roussy. 


Il demande au gouvernement de considérer davantage la réalité des régions éloignées lors de l’attribution des budgets. Le transport de toutes les ressources matérielles et humaines engage des coûts supérieurs à ceux déployés pour un même projet en milieu urbain. « Par la distance, tout me coûte plus cher. Tous les experts qui travaillent en muséologie sont dans les régions urbaines. » 


Le combat du Front commun pour les arts


En mai 2024, le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, a bonifié le budget du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) de 15 millions de dollars pour le programme de Soutien à la mission. Il a annoncé au même moment la création du Musée national de l’histoire du Québec, dont la pertinence a  largement été remise en question par les musées d’histoire déjà établis dans la province. 


Le Front commun pour les arts, qui réunit 17 organisations culturelles, dont la Société des musées du Québec (SMQ), demande une augmentation de 40 millions de dollars des crédits permanents du CALQ ainsi qu’une indexation du budget au coût de la vie. 


« La dévitalisation de la culture québécoise a de réelles conséquences sur notre société : des institutions fermeront, des formes d’art s’éteindront, des traditions se perdront et des emplois issus de divers secteurs économiques seront abolis. », peut-on retrouver sur le site Web du Front commun pour les arts. 


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