Honour: lorsque l’exploitation sexuelle devient héritage intergénérationnel
- Élie Michaud-A.
- 12 oct. 2019
- 2 min de lecture
Crédit photo: Alex Waterhouse

Honour : Confessions of a Mumbai Courtesan est une pièce de théâtre d’origine indienne dont le texte a été écrit et performé par l’actrice Dipti Mehta. La pièce nous immerge dans l’univers des maisons closes de Mumbai où la prostitution est une affaire familiale. Elle met en scène la jeune Rani qui se prépare à reprendre le flambeau de sa mère à tout juste 16 ans.
L’exploitation sexuelle et la prostitution sont de prime abord des sujets crus, encore plus lorsqu’on leur ajoute une origine étrangère telle l’Inde, où la culture orientale est drastiquement différente de celle de l’Occident nord-américain. La simplicité du décor est charmante et instaure une proximité entre le public et la seule et unique interprète, à un tel point que les différents personnages interprétés par celle-ci ne se gênent pas pour narguer l’audience du voyeurisme dont les Occidentaux peuvent faire preuve. Par contre, cette interpellation du public a rapidement donné une impression de sitcom à la pièce, ce qui faisait parfois ombrage à ce qui se disait sur la scène de l’organisme Montréal, arts interculturels (MAI).
L’utilisation du rire pour aborder un sujet de société encore tabou ne peut pas être complètement critiquée. S’il faut de l’audace pour aborder la stigmatisation des travailleur.se.s du sexe, le bémol est que le fini n’était pas convaincant. Des apostrophes telles que “You Américains” et “Comment jurer en hindi 101” sont aussi des éléments qui ont rendu la pièce moins authentique et qui ont fait en sorte que l’intrigue de la jeune Rani stagne rapidement.
Reste qu’il y a eu des moments forts au cours des 75 minutes qu’a duré la pièce. Dipti Mehta est dotée d’un fort jeu d’interprétation. Construire et donner vie à cinq personnages est un défi de taille, mais Mehta passe de l’un à l’autre en un battement de cil et il était évident qui, entre la jeune ingénue, la mère aguerrie, le proxénète, l’hijra ou le vieux chaman, se présentait aux spectateurs. Un beau moment de fragilité s’est d’ailleurs dégagé de la pièce lorsqu’on a accès aux tourments qu’entraîne une vie de prostitution intergénérationnelle. Rani se demande si sa mère lui a uniquement donné naissance pour avoir une fille plus jeune à offrir aux hommes, pour avoir un gagne-pain de remplacement. De plus, les danses traditionnelles et bollywoodiennes, les couleurs pompeuses et les tissus suspendus ont par ailleurs amené un vent frais exotique sur la scène montréalaise.
Honour : Confessions of a Mumbai Courtesan, produit par le Théâtre Teesri Duniya et dirigée par Mark Cirnigliaro, est une proposition prometteuse et extrêmement riche. Cependant, plusieurs dialogues au fort potentiel sont restés simples et en surface, et ramenaient constamment les personnages au rang d’archétypes. Néanmoins, le désir premier de mettre de l’avant plusieurs enjeux sociaux – tels que la sexualité, les valeurs traditionnelles, le modèle de la femme-objet et la culture du viol – planait tout de même. Il est simplement dommage que le désir d’aller chercher le rire du public à tout prix se solde par une incapacité à offrir matière à réflexion ou des moments émouvants.
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