Un spectacle de musique électro-industrielle au line up prédominamment féminin, présenté au Café Cléopâtre – dont la magnifique enseigne mérite indéniablement la protection de l’UNESCO : nul besoin de m’en dire davantage. J’avais déjà pris congé et obligé quelques amis réticents à se procurer des billets.
Mon excitation, pourtant démesurée en ce soir de début février tant attendu, a failli avoir eu le temps de s’épuiser avant que le concert ne commence. Il n’y a qu’en entrevue professionnelle que je me décrirais comme ponctuel, mais un retard d’un peu plus d’une heure me semble tout de même quelque peu excessif… Fort heureusement, les luxueuses alcôves de cuirette du Café Cléopâtre – les lieux mêmes d’innombrables danses lascives – ont rendu mon attente beaucoup plus agréable.
Si je me permets de mentionner que le spectacle commence tard, je me dois également de souligner qu’il commence fort. Effectivement, dès son entrée sur scène, la musicienne montréalaise Dregqueen transpire une énergie enivrante, rafraîchissante et réellement terrifiante, laquelle ne tarde pas à emplir la petite salle. Les lamentations chantées et criées de l’interprète rendent sa performance très riche en émotions et témoignent de son remarquable talent. Tandis que les rythmes sombres de son catalogue retentissent, la foule s’anime et danse d’une manière qui ne pourrait être décrite que comme éclectique. Bien que cette musique suscite immanquablement un désir dévorant de mouvement chez ses auditeurs, les conventions du dit mouvement semblent rester nébuleuses – assez pour prendre un danseur compulsif notoire tel moi-même au dépourvu. Dregqueen se permet d’ailleurs d’intervenir, quittant courageusement la scène à maintes reprises pour fendre la foule, histoire de la bousculer un peu.
Arrive ensuite sur scène l’artiste new-yorkaise Anatomy, dont les longs cheveux noirs cachent partiellement le visage et ne tardent pas à m’inspirer une blague insignifiante sur Le Cercle (2002) et son illustre personnage féminin. Cependant, alors qu’Anatomy entame sa prestation, un montage vidéo d’images des plus perturbantes et troublantes apparaît sur un écran derrière elle – espérons que je survive à la semaine. Malgré mon âme sensible, je ne m’abstiens aucunement de profiter de cette performance où est à l’honneur l’habileté de la musicienne de produire des cris particulièrement perçants. Ceux-ci ne sauraient toutefois éclipser les mélodies étrangement enlevantes qu’elle offre au public. Sa performance se conclut d’un abrupt « Thank you » presque inaudible, chuchoté dans le micro.
Le duo natif de Chicago, HIDE, arrive alors et fait instantanément une impression assez forte grâce à l’accoutrement excentrique de sa chanteuse, Heather Gabel. Tous peuvent apprécier la brillante ironie de porter une ceinture de chasteté dans un établissement tel que le Café Cléopâtre. HIDE se livre promptement à une performance excessivement puissante et impressionnante. Sa chanteuse semble être en transe durant l’entièreté de la prestation, faisant preuve d’un charisme absolument extraordinaire. Sa passion débordante se répand rapidement dans la foule qui fixe Gabel, complètement béate. Vocaliste mais également artiste visuelle, cette dernière offre une œuvre performative des plus bouleversantes et des plus fortes. HIDE ne reste pas sur scène bien longtemps, mais je ne peux que supposer que sa chanteuse était complètement exténuée après s’être donnée si généreusement, au plus grand plaisir du public.
Bref, une soirée haute en couleur, même si tous les artistes – et la majorité de l’assistance – ont préféré arborer le noir… Et sans doute l’un des seules moments où j’aurai eu l’occasion d’être l’heureuse victime du plafond illuminé hypnotique du Café Cléopâtre.
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