Classique(s): du théâtre télépathique
- Maïté Paradis
- 31 mars
- 2 min de lecture
Classique(s), une cocréation de Fanny Britt et de Mani Soleymanlou, repense notre rapport à l’indémodable dans une pièce qui se situe entre la comédie et la tragédie grecque.

Vivaldi, des souliers flâneurs en cuir brun d’Italie, le velours et les perles : « ça, c’est classique ». Certains monuments culturels transcendent les générations sans jamais perdre leur cachet, constamment revisités par le théâtre, la littérature ou la mode.
Qu’est-ce qu’un classique ? Est-ce qu’une œuvre obtient ce titre par le nombre de personnes qui l’apprécient ? Ou est-ce la stature de ceux et celles qui le désignent qui importe davantage ? Si une forme de pouvoir est nécessaire pour en juger, est-ce que son exclusivité est un symptôme inévitable?
Huit interprètes s’échangent ces questions et invitent les spectatrices et spectateurs à prendre part aux réflexions. Le public désarmé se sent presque invité à monter sur les planches. Il se voit moins petit face à ces classiques souvent « trop grands, trop intimidants ». Même le technicien de son et la violoniste ont leur mot à dire, ce qui cimente la volonté accessible et inclusive de la pièce.
Une orchestration originale
Des références à l’actualité s’infiltrent dans les dialogues, telles que des impressions de Donald Trump et de l’ancien ministre de la Défense d’Israël, Yoav Gallant. Celles-ci nous ramènent aux fondements du théâtre, qui, au-delà de raconter une histoire, invite à réfléchir sur les enjeux sociaux contemporains.
Assumées, les répliques expriment aussi ce que pense tout bas l’auditoire, « coudonc, c’est tu un show communiste qu’on est venu voir cet après-midi ? ». Conscient et réfléchi, le scénario surprend l’auditoire en lui volant les mots de la bouche. Un franc « tu vois, ça, je n’y ai rien compris du tout », du personnage de Martin Drainville à la suite d’une prestation émouvante tirée de l'œuvre de Tchekhov, suffit à détendre l’atmosphère et à susciter des rires complices dans la salle. Les piques sont reçues avec générosité, comme une petite allusion à Duceppe qui ne passe pas inaperçue.

La deuxième partie de la pièce met en scène le procès de l’humanité, laquelle est jugée pour toute la souffrance et la cruauté qu’elle inflige dans le monde. L’espoir y est absent, mais les personnages du cynisme et de l’indignation sont présents. Un juge affublé d’immenses talons hauts dirige la séance et renforce l’absurdité de la situation.
Particulièrement drôle, cette séquence aborde de manière originale des sujets omniprésents dans les médias, tels que la guerre et les wokes.
« Le silence est le plus grand classique »
Parfois, les acteurs et les actrices cessent leurs monologues tirés de classiques, tels que L’Odyssée ou Antigone, pour se taire, tout simplement. « Le silence est le plus grand classique », scandent en chœur les interprètes. Joindre le public dans son mutisme solidifie la complicité entre la scène et l’auditoire. Faire rire et pleurer sans prononcer un mot, voilà qui relève de la télépathie.
La pièce Classique(s), une création d’Orange Noyée, sera présentée au Théâtre du Nouveau Monde du 11 mars au 12 avril.
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