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Photo du rédacteurSalomé Maari

25 ans de Rituel festif : plongeon dans la scène rave montréalaise des années 90

Toutes les photos dans cet article sont une gracieuseté de Caroline Hayeur


Voyage dans le temps. Montréal, milieu des années 90. Vous appelez un numéro qu’un ami vous a refilé. À l’appareil, une voix préenregistrée vous invite à une adresse. Une longue nuit de danse s’annonce. Fébrile, vous franchissez la porte de votre appartement : vous allez raver.


De 1996 à 1997, la photographe Caroline Hayeur, la journaliste Nora Ben Saâdoune et l’artiste visuel Emmanuel Galland ont parcouru les raves de Montréal, déterminé·e·s à documenter cette culture grandissante. En 1997, le trio publie Rituel festif, livre composé de photographies et de documentation sur les raves. En août prochain, le projet soufflera ses 25 bougies. Pour l’occasion, Le Culte a cru bon d’effectuer un saut en arrière.


La scène rave montréalaise, à l’époque méconnue du grand public, prenait vie lors de soirées incarnant une nouvelle façon de faire la fête. Sans barrières d’âge, de genre ou de culture, plusieurs s’y rassemblaient pour vivre une expérience de pure jouissance, de communion et de transcendance. « Il n’y avait plus de jugement. Tout le monde venait juste pour la danse », témoigne Caroline Hayeur, aujourd’hui chargée de cours en photojournalisme à l’UQAM, en entretien avec Le Culte.


C’était une période marquée par les flyers (figures emblématiques de la culture rave, ces affiches annonçaient les événements à venir), les smart drinks (ces boissons énergisantes et vitaminées pour garder les ravers allumé·e·s toute la nuit), les tenues déjantées, les lunettes de soleil et la musique techno, jouée en direct par les DJs.



« Pour moi, jeune photographe, raconte Caroline Hayeur, c’était une grande découverte. Je me suis dit : “Qu’est-ce que je peux faire? Ben, je peux prendre des photos! Je peux faire que ça!” »


C’est donc un « appel du just do it des années 90 » qui a poussé la jeune photographe à s’organiser avec « zéro fric » et à se lancer dans ce projet d’envergure. Armée de pellicules « passées date » qui lui avaient été offertes par des photographes avec lesquels elle collaborait, elle a capturé plus de 1000 portraits et couvert douze évènements. Ces images, elle les a imprimées en soirée au cégep du Vieux Montréal, alors que d’anciens et d’anciennes professeurs et professeures lui avaient refilé les clés de la chambre noire.


Nora Ben Saâdoune et Emmanuel Galland, coordinatrice et coordinateur de la portion écrite du livre, ont mis des mots sur les images pour faire parler les gens qui faisaient vivre ce mouvement.


La série photo a été présentée pour la première fois au Mois de la photo de Montréal en 1997. L’exposition a ensuite fait le tour du monde pendant près de dix ans. Le projet est aussi devenu un site web interactif.


Selon Caroline Hayeur, le grand succès de Rituel festif peut être attribué au fait qu’« il n’y avait personne qui avait encore fait de documentation sur [les raves] en Amérique du Nord ». Un vide que le trio s’est donné la mission de remplir.


Les raves : une réponse au vide


« La culture rave ne se réclame d’aucune “contre-culture” », écrit Emmanuel Galland dans Rituel festif. Sauf peut-être le fait d’adhérer au vide des années 90, les ravers ne contestent rien. Ces derniers et ces dernières, ajoute-t-il, n’ont « rien à espérer, mais tout à réinventer », car cette génération ne revendique rien, sinon un hédonisme assumé, un « besoin de palpiter, de se sentir vivre, vibrant ».


Les ravers : une nouvelle famille


Le titre de Rituel festif n’est pas un hasard : les raves constituaient, pour leurs adeptes, un lieu de grande spiritualité. Bourrés de symboles spirituels orientaux et de vocabulaire religieux (ouverture d’esprit, absence de jugement, transe, ressourcement), ces rassemblements représentaient une nouvelle religion pour les jeunes Montréalais et Montréalaises.


Les substances psychotropes massivement consommées dans ce type d’événement – l’ecstasy étant la drogue privilégiée par les ravers avaient un rôle à jouer dans la spiritualité des raves, selon la journaliste.


En revanche, elle soutient que la consommation de drogue n’était pas systématique : « Moi-même, je n’en ai pas pris souvent, comme si la première fois avait ouvert une porte qui ne s’est jamais refermée. »


Ce qui défile derrière les paupières closes de la journaliste lorsqu’elle se remémore la scène rave montréalaise des années 90 a de quoi faire rêver. « Je vois des sourires, des corps en mouvement, je ressens la puissance du son, décrit-elle. Je ressens, encore aujourd’hui, une immense liberté d’être. L’absence de jugement. »


Ceux et celles qui ont vécu ces moments s’en souviendront longtemps. Pour les autres subsistent des photos et des écrits qui témoignent de cette période empreinte de nouveauté et de liberté. Rituel festif, en somme, c’est 45 pages de nostalgie d’une époque révolue.


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