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Éros au CHSLD



« Si Jacqueline et Gérard ont encore envie de se caresser par une nuit chaude d’été, le mal est où? Pourquoi est-ce qu’on leur impose pudeur et retenue? »


On va se le dire en se regardant dans le blanc des yeux:  pour une société qui parle TOUJOURS de sexe, on est particulièrement frileux. C’est plus facile de pluger la sexualité dans une campagne pour un « magic bullet » que de déconstruire tous les stéréotypes entourant cette réalité.  Surtout qu’à partir d’un certain âge, c’est l’horreur parler de cul et avoir une vie sexuelle saine et active. Combien d’entre nous osent à peine s’imaginer ce que nos parents font derrière les portes closes, quand tout le monde est couché? Plus vieux encore, avec une vie derrière eux, les aînés sont souvent complètement occultés quand on parle de sexe. Pourquoi ? Si Jacqueline et Gérard ont encore envie de se caresser par une nuit chaude d’été, le mal est où? Comment une société qui se considère « sex positive » peut leur imposer pudeur et chasteté?  


D’abord, on ne peut pas parler de sexualité sans s’imaginer des corps qui se frottent, se subliment et s’emboîtent comme des blocs Lego. Et cette chair, c’est plus fort que nous, on l’imagine lisse, ferme et performante. Trop souvent, on stigmatise la sexualité des corps atypiques, par peur de l’inconnu. Comme si la sexualité était réservée aux adonis musclés et aux femmes longilignes avec les « courbes à la bonne place ». Alors, quand on pense à des corps fripés, à des seins et à des fesses pendantes, notre première réaction est, tout de suite, celle du rejet, voir du dégoût.


Ensuite, les personnes âgées, à qui on octroie encore une sexualité active, sont souvent étiquetées comme des êtres débridés. On pense aisément au vieux « mononcle cochon » ou à la vieille veuve nymphomane. Cette idée découle du fait que les formes de sexualité non reproductives, où le plaisir prime, demeurent taboues. Cette perspective biologique est encore bien ancrée en nous, même dans les générations un peu plus jeunes. D’ailleurs, la charge émotive accordée à des parents ou à des grands-parents brouille notre capacité à les voir comme des individus possédant des pulsions érotiques. Jocelyne Robert, sexologue, m’explique qu’il y a cent ans, les gens mourraient à 50 ans, ce pour quoi la réflexion sur le sujet ne s’imposait pas. Cependant, avec le vieillissement actuel de la population, c’est une réalité qu’il faudra prendre en compte.


Fait intéressant : le seul organe qui continue de grandir en vieillissant est le cerveau, donc par adéquation, notre boîte à fantasmes. Quand un corps ne peut plus nécessairement performer, il peut toujours reposer sur ses souvenirs et son imaginaire érotique pour jouir. La sensation d’une caresse timide peut s’en trouver décuplée. Même chez les plus jeunes, Mme Robert m’indique que « le fantasme est souvent nécessaire pour atteindre l’orgasme ». De plus, la sexualité des femmes âgées est d’autant plus problématique,  puisqu’en vieillissant, celle-ci demeure capable de plaisir, alors que l’homme reste fécond. En post-ménopause, la sexualité des femmes est donc seulement axée sur sa propre jouissance et non plus sur sa sacro-sainte fonction reproductive. Dans nos sociétés judéo-chrétiennes, cette idée est simplement inacceptable et en choque plus d’un. Kinky, une mamie qui découvre l’orgasme après l’achat d’un vibrateur? Je pense que, collectivement, on peut s’entendre que ce n’est pas de nos maudites affaires.  


Pourtant, s’ébattre au lit, prendre plaisir à partager un moment charnel et se confondre dans une intimité sensorielle, c’est le droit de tout le monde. La sexualité, on le sait, fait des merveilles pour garder un équilibre physique et mental. Plusieurs études récentes établissent des liens clairs entre santé sexuelle et santé intégrale. Ainsi, on peut s’imaginer sans trop de difficultés à quel point les aînés peuvent bénéficier d’une bonne vieille partie de jambes en l’air. Qui sommes-nous pour leur refuser leurs instincts les plus naturels?

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