Patrick Belzile

18 oct. 20192 Min

BESIDE ou le direct exalté

BESIDE, 3ème opus de la trilogie B+B+B de la chorégraphe Marie Béland, explore, à travers une écriture dramaturgique audacieuse, la relation entre le corps humain et l’érosion de l’information dans le paysage médiatique d’aujourd’hui.
 

Dès que le public se place dans l’intime salle du théâtre La Chapelle, la chorégraphe s’adresse à l’auditoire. Tous les mots échangés par les acteurs sur la scène seront ceux véhiculés sur les ondes des radios de Montréal, en direct, au moment où la pièce a lieu, explique-t-elle. Contrairement à la nature improvisée du texte, la gestuelle des danseurs performeurs a été minutieusement chorégraphiée à partir de mouvements provenant d’émissions télévisuelles. Se développe alors, à même la scène, un agencement incongru de mouvements et de paroles transportant le public dans un univers absurde.
 

Sur scène, il y a une table, quelques chaises, mais surtout trois casques d’écoute et une radio pour diriger les acteurs. L’auditoire est tout de suite captivé par l’imprévisibilité des événements. Le trio sur scène débute en relayant les paroles des commentateurs du match des Canadiens de Montréal. Ensuite, ils plongent dans les talkshow de radio : discussion à propos des réseaux sociaux, des médias, une entrevue avec un jeune entrepreneur, etc. Les bouches se scellent alors que des postes de musique classique et de jazz embarquent. L’absence de contenu lyrique de ces styles est venue colorer l’issue d’une démarche d’écriture qui commençait à faire émerger des récurrences. Si la musique jazz et classique a fait sourire, c’est avant tout la retransmission des paroles du poste de musique pop qui a fait rire : « Are you. Are you. Are you still in love with me? Are you… »
 

La difficulté d’une telle performance est évidente au sein des membres du public. Le débit est souvent saccadé alors que plusieurs phrases sont abandonnées, question de rattraper le fil du direct. Souvent, l’éloquence est mise de côté afin d’être capable de livrer le texte. Le public n’a pas trop à faire preuve d’indulgence, toutefois. Les interprètes Bernard Martin et Sylvain Lafortune se démarquent particulièrement ĝrace à leur rythme calme, confiant et comique.
 

Plus la pièce avance, plus le concept de retransmission se corse, se déshumanise. Les choix de mise en scène font lumière sur les thèmes centraux de l’œuvre. Ils répètent de plus en plus les mêmes mots jusqu’à en perdre leur sens, ils créent des cercles vicieux de retransmission d’informations entre eux, ils mélangent les postes en même temps dans les mêmes conversations, etc. Bref, tout ça est un imbroglio. La surabondance d’informations les empêche de se comprendre. À cela s’ajoutent des mouvements de plus en plus mécaniques et robotiques. C’est dans le dernier quart de la pièce que l’exploration du mouvement corporel est davantage exploitée. Au début de l’œuvre, la chorégraphie est utilisée pour donner corps au ton absurde alors qu’à la fin, elle est à l’avant-plan dans la communication du message, peut-être trop même…
 

BESIDE

Chorégraphie : Marie Béland

Dramaturge : Kathy Casey

Éclairages : Karine Gauthier
 

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